Face à l’évolution des besoins des résidents en établissement médico-social, les soins palliatifs en EHPAD représentent un enjeu majeur pour les prochaines années. Avec plus de 60 % des décès en France nécessitant une prise en charge palliative, les établissements doivent repenser leurs pratiques. La stratégie décennale 2024-2034 et les nouvelles instructions ministérielles imposent une transformation profonde : renforcement des compétences, structuration des filières, amélioration de l’accessibilité aux soins d’accompagnement. Cette mutation concerne autant les directeurs que les équipes soignantes, appelés à maîtriser de nouvelles approches pour garantir dignité et confort aux résidents en fin de vie.
Sommaire
- Structurer la filière palliative : un impératif réglementaire et humain
- Former les équipes : de l’obligation réglementaire à la compétence opérationnelle
- Anticiper et personnaliser : les nouveaux outils de la prise en charge palliative
- Gérer les situations de crise : de la théorie à la pratique quotidienne
- Vers une culture palliative intégrée dans les EHPAD
- Questions fréquentes sur les soins palliatifs en EHPAD
Structurer la filière palliative : un impératif réglementaire et humain
Les établissements médico-sociaux accueillent désormais une majorité de résidents en fin de parcours de vie. Cette réalité impose une réorganisation complète des filières de soins.
L’instruction ministérielle diffusée aux agences régionales de santé a posé un cadre clair : chaque territoire doit disposer d’une offre palliative structurée et accessible. Cette directive remplace une circulaire de 2008 devenue obsolète face aux besoins actuels.
Les ARS doivent désormais cartographier les ressources existantes, identifier les zones blanches et coordonner les acteurs. Cette mission inclut la création d’équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) capables d’intervenir en EHPAD, le développement d’unités spécialisées et la mise en place de permanences téléphoniques d’expertise palliative.
Une personne sur deux décédant en France nécessite des soins palliatifs, mais l’accès reste très inégal selon les départements.
Sur le terrain, plusieurs établissements ont déjà initié des partenariats avec des structures hospitalières. Un EHPAD de Loire-Atlantique a ainsi signé une convention avec un service de soins palliatifs hospitalier pour bénéficier d’interventions régulières d’une équipe mobile. Résultat : une diminution de 40 % des hospitalisations en urgence et une meilleure anticipation des crises douloureuses.
Qui sont les acteurs clés de cette structuration ?
- Les agences régionales de santé qui pilotent la stratégie territoriale
- Les équipes mobiles de soins palliatifs qui apportent l’expertise en établissement
- Les médecins coordonnateurs qui organisent la prise en charge au sein de l’EHPAD
- Les réseaux de santé qui facilitent la coordination ville-hôpital
La mise en œuvre exige également des outils concrets. Les établissements doivent se doter de protocoles d’anticipation des situations palliatives, intégrer des temps de concertation pluridisciplinaire et formaliser des procédures d’appel à l’expertise externe.
Action immédiate : Contactez votre ARS pour connaître les EMSP de votre territoire et organiser une première réunion de présentation avec votre équipe médicale. Prévoyez un diagnostic de vos besoins en soins palliatifs basé sur le GIR Moyen Pondéré de votre établissement.
Former les équipes : de l’obligation réglementaire à la compétence opérationnelle
La montée en compétence des professionnels constitue le pilier de toute stratégie palliative réussie. Les formations obligatoires en EHPAD intègrent désormais des modules spécifiques aux soins de fin de vie.
Le 5ᵉ plan national prévoit le renforcement de l’offre de formation initiale et continue. Les objectifs sont précis : développer des postes d’enseignants hospitalo-universitaires spécialisés, intégrer la culture palliative dans tous les cursus de santé, créer des programmes de formation continue accessibles aux professionnels en poste.
Concrètement, les formations doivent couvrir plusieurs domaines essentiels :
- Évaluation et gestion de la douleur : utilisation d’échelles adaptées, titration des antalgiques, surveillance des effets secondaires
- Communication avec le résident et sa famille : annonce, écoute active, gestion des émotions
- Accompagnement psychologique : soutien aux résidents, prévention de l’épuisement des aidants
- Dimensions éthiques : respect des directives anticipées, procédures colligiales, questionnement éthique
- Soins de confort : nursing adapté, prévention des complications, maintien de la dignité
| Type de formation | Public cible | Durée recommandée | Fréquence |
|---|---|---|---|
| Soins palliatifs de base | Tous les soignants | 2 à 3 jours | Tous les 3 ans |
| Gestion de la douleur | IDE et AS | 1 jour | Annuelle |
| Communication en fin de vie | Ensemble de l’équipe | 1 jour | Tous les 2 ans |
| Dimensions éthiques | Encadrement et médecins | 2 jours | Tous les 2 ans |
Un EHPAD d’Île-de-France a instauré un programme de formation interne animé par une infirmière diplômée en soins palliatifs. Chaque trimestre, des ateliers pratiques de deux heures abordent des situations concrètes rencontrées par l’équipe. Cette approche pragmatique a permis d’améliorer significativement la prise en charge, avec des retours positifs des familles sur la qualité de l’accompagnement.
Comment développer les compétences sans désorganiser le service ?
Les directeurs et IDEC se heurtent souvent à la difficulté de libérer du personnel pour les formations. Plusieurs solutions existent :
- Formation en e-learning avec modules courts accessibles sur le temps de travail
- Analyse de pratiques professionnelles intégrée aux réunions d’équipe
- Tutorat interne par un référent douleur-soins palliatifs formé
- Interventions d’EMSP combinant formation et accompagnement de situations
Les soignants formés aux soins palliatifs déclarent une satisfaction professionnelle accrue et un sentiment de compétence renforcé face aux situations complexes.
La formation ne peut se limiter aux aspects techniques. Elle doit également aborder la dimension relationnelle et émotionnelle. Les professionnels sont régulièrement confrontés à la souffrance et au deuil, ce qui nécessite un accompagnement spécifique pour prévenir l’usure compassionnelle.
Action immédiate : Identifiez dans votre équipe un ou deux professionnels motivés pour devenir référents en soins palliatifs. Financez leur formation approfondie (diplôme universitaire) et structurez ensuite des temps de transmission réguliers. Consultez également les ressources sur les transmissions ciblées en EHPAD pour améliorer le partage d’informations sur les résidents en soins palliatifs.
Anticiper et personnaliser : les nouveaux outils de la prise en charge palliative
L’anticipation représente la clé d’une prise en charge palliative de qualité. Trop souvent, les décisions se prennent dans l’urgence, privant résidents et familles d’un accompagnement serein.
La démarche palliative précoce s’impose progressivement comme standard de qualité. Elle consiste à identifier les résidents relevant potentiellement de soins palliatifs bien avant la phase terminale, permettant ainsi d’anticiper les besoins et d’organiser la prise en charge.
Plusieurs outils facilitent cette anticipation :
Les indicateurs d’identification précoce : le questionnaire NECPAL (Nécessité de Soins Palliatifs) permet de repérer les résidents nécessitant une approche palliative. Ce questionnaire, simple d’utilisation, évalue plusieurs dimensions : évolution de la pathologie, déclin fonctionnel, hospitalisations répétées, comorbidités.
Les directives anticipées : bien que leur recueil soit obligatoire depuis la loi Claeys-Leonetti, leur formalisation reste insuffisante dans de nombreux établissements. Elles constituent pourtant un guide précieux pour les équipes confrontées à des décisions thérapeutiques complexes.
Le projet personnalisé de soins : il doit intégrer explicitement les souhaits du résident concernant sa fin de vie, ses priorités de confort, ses refus éventuels de certains soins. Cette dimension palliative du projet de soins nécessite des entretiens dédiés, dans un climat de confiance et sans urgence.
Comment structurer une démarche palliative anticipée ?
- Identification : utiliser un outil de repérage comme NECPAL lors des synthèses médicales
- Évaluation multidimensionnelle : douleur, symptômes, dimension psychologique, sociale et spirituelle
- Concertation : réunion pluridisciplinaire associant si possible le médecin traitant
- Formalisation : tracer dans le dossier le projet de soins palliatifs
- Communication : partager avec le résident (si possible), la famille, tous les intervenants
- Réévaluation : ajuster régulièrement selon l’évolution
Un établissement du Sud-Est a mis en place des réunions de concertation palliative mensuelles. Chaque situation identifiée est discutée en équipe pluridisciplinaire, incluant médecin coordonnateur, IDEC, psychologue et, lorsque c’est pertinent, le médecin traitant. Cette organisation a permis de réduire drastiquement les transferts hospitaliers non désirés et d’améliorer le confort des résidents en fin de vie.
La méthode DICE s’avère particulièrement utile pour analyser les refus de soins fréquents en fin de vie. Elle permet d’investiguer les causes profondes et d’adapter l’approche.
Quelle place pour la personne de confiance et les proches ?
L’accompagnement des familles constitue une dimension essentielle des soins palliatifs. Les proches vivent souvent des situations d’épuisement émotionnel et ont besoin d’information, d’écoute et de soutien.
Les établissements doivent prévoir :
- Des entretiens réguliers avec la famille pour expliquer l’évolution, répondre aux questions
- Une disponibilité 24h/24 pour prévenir en cas de dégradation brutale
- Un accompagnement au moment du décès : présence, temps accordé, rituels respectés
- Un suivi post-décès : entretien de deuil proposé quelques semaines après
85 % des familles considèrent que la qualité de la communication avec les équipes constitue le critère principal de satisfaction concernant l’accompagnement de fin de vie.
Action immédiate : Organisez dès ce mois une première réunion pluridisciplinaire dédiée à l’identification des résidents relevant d’une approche palliative. Formalisez une procédure écrite d’anticipation et de concertation. Intégrez cette démarche dans votre préparation à la certification EHPAD.
Gérer les situations de crise : de la théorie à la pratique quotidienne
Malgré l’anticipation, des situations de crise surviennent inévitablement. Les équipes doivent être préparées à y faire face avec compétence et sérénité.
Les urgences palliatives les plus fréquentes en EHPAD incluent :
- Douleurs aiguës mal soulagées
- Détresses respiratoires
- États confusionnels aigus
- Rétentions urinaires
- Vomissements incoercibles
- Hémorragies extériorisées
- Angoisses majeures
Face à ces situations, les équipes doivent pouvoir agir rapidement tout en évitant l’hospitalisation systématique. Cela suppose de disposer de protocoles d’urgence validés par le médecin coordonnateur, de traitements disponibles immédiatement et de la capacité à contacter une expertise palliative 24h/24.
Protocoles essentiels à avoir dans tous les EHPAD
| Situation | Objectif | Moyens | Réévaluation |
|---|---|---|---|
| Douleur aiguë | Soulagement en 30 min | Antalgiques d’action rapide, contact médecin | 1h puis 4h |
| Détresse respiratoire | Confort, anxiolyse | Oxygène, morphiniques, benzodiazépines | 15 min puis 1h |
| Angoisse majeure | Apaisement | Présence, benzodiazépines si besoin | Continue |
| Confusion agitée | Sécurité et apaisement | Environnement calme, neuroleptiques | 30 min puis 2h |
Les bonnes pratiques pour l’aide au repas et les protocoles en cas de fausse route sont également essentiels, car les troubles de la déglutition s’aggravent souvent en phase palliative.
Un EHPAD normand a constitué une trousse d’urgence palliative contenant les médicaments nécessaires à la gestion des crises, avec des protocoles plastifiés accessibles à tous les soignants. Cette organisation a considérablement réduit l’anxiété des équipes face aux situations aiguës.
Comment prévenir l’épuisement professionnel ?
L’accompagnement répété de fins de vie pèse émotionnellement sur les équipes. Les établissements doivent prévoir des dispositifs de soutien :
- Débriefings post-décès : temps d’échange permettant d’exprimer émotions et questionnements
- Analyse de pratiques : espaces de réflexion sur les situations difficiles
- Supervision externe : accompagnement par un psychologue ou intervenant spécialisé
- Reconnaissance institutionnelle : valorisation du travail accompli, rituels de passage
La gestion de l’agressivité en EHPAD prend une dimension particulière en fin de vie, où confusion et souffrance peuvent générer des comportements difficiles nécessitant des réponses adaptées.
Un soignant accompagnant régulièrement des fins de vie sans soutien institutionnel présente un risque d’épuisement professionnel multiplié par trois.
La mise en place d’un mode dégradé efficient, comme expliqué dans ce guide pratique, permet de maintenir la qualité de l’accompagnement même en situation de sous-effectif.
Action immédiate : Auditez vos protocoles d’urgence palliative. Vérifiez la disponibilité des médicaments essentiels. Organisez un débriefing systématique après chaque décès. Formez l’ensemble de l’équipe aux gestes de premiers secours spécifiques aux situations palliatives. Assurez-vous que vos pratiques respectent les principes de bientraitance jusqu’au dernier moment.
Vers une culture palliative intégrée dans les EHPAD
L’amélioration des soins de fin de vie en établissement ne se décrète pas. Elle résulte d’un changement culturel profond, porté par la direction et incarné quotidiennement par les équipes.
La stratégie décennale 2024-2034 trace une feuille de route ambitieuse : garantir à chaque personne en fin de vie un accès universel aux soins palliatifs, quel que soit son lieu de résidence. Pour les EHPAD, cela signifie devenir de véritables lieux de vie jusqu’au bout, où mourir dans la dignité devient la norme et non l’exception.
Cette ambition nécessite des moyens. Le développement des unités de soins palliatifs, la multiplication des équipes mobiles, la généralisation des permanences téléphoniques d’expertise constituent des avancées majeures. Mais leur efficacité dépend de l’appropriation par les établissements.
Les piliers d’une culture palliative réussie
- Leadership institutionnel : la direction affiche clairement la priorité donnée à la qualité de l’accompagnement en fin de vie
- Formation continue : investissement régulier dans la montée en compétence de tous les professionnels
- Coordination renforcée : organisation fluide entre tous les acteurs internes et externes
- Traçabilité et évaluation : suivi d’indicateurs de qualité de la prise en charge palliative
- Environnement adapté : chambres permettant l’intimité, présence des proches facilitée, esthétique soignée
L’hygiène reste un paramètre essentiel de cette qualité. Les protocoles comme le nettoyage à blanc d’une chambre après un décès participent du respect dû au résident suivant et aux équipes.
La réglementation impose également des affichages spécifiques qui incluent l’information sur les droits des résidents en fin de vie.
Indicateurs de suivi de la qualité palliative
- Taux de décès en établissement (objectif : augmentation traduisant une moindre hospitalisation non désirée)
- Proportion de résidents avec directives anticipées (objectif : > 60 %)
- Délai d’intervention d’une EMSP après appel (objectif : < 48h)
- Satisfaction des familles sur l’accompagnement de fin de vie (objectif : > 85 %)
- Nombre de formations suivies par les professionnels (objectif : 100 % formés en 3 ans)
Certains établissements vont plus loin en proposant des espaces de ressourcement pour les familles et les soignants, ou en développant des partenariats avec des associations de bénévoles d’accompagnement. Ces initiatives enrichissent considérablement la qualité de présence auprès des résidents en fin de vie.
Un directeur d’EHPAD témoigne : « Nous avons fait le choix d’investir massivement dans la formation et l’organisation palliative. Aujourd’hui, 90 % des résidents décèdent sereinement dans leur chambre, entourés comme ils le souhaitent. Ce n’était le cas que pour 40 % il y a cinq ans. Nos équipes sont fières de leur travail et les familles expriment une reconnaissance sincère. »
L’excellence en soins palliatifs ne se mesure pas seulement à l’absence de douleur, mais à la préservation de la dignité, de l’autonomie et du lien jusqu’au dernier souffle.
Les perspectives d’évolution professionnelle doivent également être considérées. Les opportunités de passage d’aide-soignant à infirmier peuvent motiver les équipes à développer leur expertise en soins palliatifs. L’organisation du travail de nuit nécessite également une attention particulière, les fins de vie survenant fréquemment durant ces horaires.
Action immédiate : Organisez dans les trois mois une journée de réflexion associant direction, encadrement, médecin coordonnateur et représentants des équipes pour définir votre feuille de route palliative sur trois ans. Identifiez trois actions prioritaires et planifiez leur mise en œuvre. Prévoyez un temps d’évaluation semestriel. Intégrez cette démarche dans votre projet d’établissement et communiquez-la largement aux résidents, aux familles et aux partenaires.
Questions fréquentes sur les soins palliatifs en EHPAD
Comment savoir si un résident relève de soins palliatifs ?
Plusieurs signes alertent : déclin fonctionnel progressif, hospitalisations répétées, pathologie évolutive irréversible, perte d’autonomie marquée. L’outil NECPAL aide à l’identification précoce. Une réunion pluridisciplinaire permet d’évaluer la situation globalement et de décider de l’orientation palliative.
Que faire si la famille refuse l’approche palliative ?
L’accompagnement des familles nécessite temps et pédagogie. Expliquez que soins palliatifs ne signifient pas abandon thérapeutique mais adaptation des soins au confort. Proposez une rencontre avec le médecin coordonnateur ou l’équipe mobile. Respectez le rythme d’acceptation tout en maintenant les soins de confort.
Comment financer la formation des équipes aux soins palliatifs ?
Plusieurs dispositifs existent : plan de développement des compétences de l’établissement, OPCO Santé pour le financement des formations, subventions ARS dans le cadre des plans régionaux de soins palliatifs, conventions avec des structures hospitalières incluant de la formation. Les formations courtes en intra sont souvent les plus accessibles financièrement.

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