Crise financière sans précédent : 60% des Ehpad en déficit en 2022

L’année 2022 marque un tournant critique pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) en France. Une étude alarmante de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) révèle une dégradation sans précédent de leur situation financière. Plus de 60% des Ehpad publics et privés non lucratifs sont désormais déficitaires, un chiffre en hausse…

L’année 2022 marque un tournant critique pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) en France. Une étude alarmante de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) révèle une dégradation sans précédent de leur situation financière. Plus de 60% des Ehpad publics et privés non lucratifs sont désormais déficitaires, un chiffre en hausse de plus de 10 points par rapport à 2021. Cette crise touchant le cœur même du système de prise en charge des personnes âgées soulève de nombreuses questions sur l’avenir et la pérennité de ces structures essentielles.

Un déficit record et généralisé

L’ampleur du déficit des Ehpad en 2022 est inédite et inquiétante. Selon les données de la CNSA, 60,3% des établissements sont dans le rouge, contre 49,3% l’année précédente. Cette situation affecte particulièrement le secteur public, avec 64,5% d’Ehpad déficitaires, tandis que le privé non lucratif s’en sort un peu mieux avec 54,3% d’établissements concernés.

Plus alarmant encore, un tiers des Ehpad, tous statuts confondus, présentent un déficit supérieur à 5% de leurs recettes. Cette proportion révèle l’étendue et la gravité de la crise financière qui secoue le secteur. Il est important de noter que ces chiffres n’incluent pas les Ehpad privés lucratifs, qui ne sont pas soumis aux mêmes obligations de transparence financière.

La baisse du taux d’occupation, un facteur déterminant

Le taux d’occupation des Ehpad a chuté de manière significative, passant de 96,2% en 2018 à 92,9% en 2022. Cette baisse de fréquentation a un impact direct sur les finances des établissements. En effet, les résidents constituent la deuxième source de financement des Ehpad, représentant 35,2% de leurs recettes en 2022.

La CNSA estime que les 15 290 places vacantes en 2022 ont entraîné un manque à gagner de 327,4 millions d’euros. Si le taux d’occupation était resté au niveau de 2018, les recettes totales des Ehpad auraient été supérieures de 1,3%. Cette situation s’explique en partie par les séquelles de la crise sanitaire et les révélations sur les maltraitances dans certains établissements, qui ont entaché la réputation du secteur.

L’inflation et les charges de personnel, un double défi

L’augmentation des charges des Ehpad s’est accélérée en 2022, atteignant 5,4%. Cette hausse est particulièrement marquée dans le secteur public (+5,6%) par rapport au privé non lucratif (+5,1%). Deux facteurs principaux expliquent cette situation :

  1. L’inflation a entraîné une hausse du coût des achats de 259 millions d’euros.
  2. Les charges de personnel ont augmenté de 5,5% en 2022, après des hausses de 8,8% en 2021 et 5,5% en 2020.

Les coûts salariaux représentent désormais 70,3% des charges totales des Ehpad. Cette augmentation est en grande partie due aux mesures de revalorisation salariale décidées lors du Ségur de la santé. Bien que nécessaires pour améliorer l’attractivité des métiers du secteur, ces revalorisations pèsent lourdement sur les finances des établissements.

Un recours accru à l’intérim

Face aux difficultés de recrutement, les Ehpad ont massivement recours à l’intérim. Les charges de personnel extérieur ont bondi de 21,6% en 2022, atteignant désormais plus d’un milliard d’euros par an. Ce montant a doublé depuis 2017, reflétant la pénurie chronique de personnel qualifié dans le secteur.

Des disparités territoriales persistantes

L’étude de la CNSA met en lumière des disparités importantes entre les départements en termes de recettes des Ehpad. Ces écarts s’expliquent notamment par le rôle des conseils départementaux dans la fixation des prix d’hébergement des places habilitées à l’aide sociale. Cette situation soulève des questions d’équité territoriale dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes.