RĂ©volution ou statu quo ? Le casse-tĂȘte de la tarification en EHPAD

Depuis leur mise en place, les outils d’Ă©valuation AGGIR et PATHOS, utilisĂ©s pour la tarification des EHPAD, suscitent dĂ©bats et controverses. Face Ă  des critiques persistantes sur leur pertinence et leur adĂ©quation aux rĂ©alitĂ©s du terrain, une question se pose : faut-il rĂ©former en profondeur ou simplement ajuster ces mĂ©canismes ? Entre modernisation nĂ©cessaire et


♄
♄

Depuis leur mise en place, les outils d’Ă©valuation AGGIR et PATHOS, utilisĂ©s pour la tarification des EHPAD, suscitent dĂ©bats et controverses. Face Ă  des critiques persistantes sur leur pertinence et leur adĂ©quation aux rĂ©alitĂ©s du terrain, une question se pose : faut-il rĂ©former en profondeur ou simplement ajuster ces mĂ©canismes ? Entre modernisation nĂ©cessaire et prudence face Ă  un bouleversement systĂ©mique, l’avenir de la tarification en EHPAD est en jeu.

Des évaluations obsolÚtes face aux besoins évolutifs des résidents ?

L’un des principaux reproches adressĂ©s aux outils AGGIR et PATHOS concerne la frĂ©quence des Ă©valuations, jugĂ©e trop espacĂ©e pour reflĂ©ter l’Ă©volution rĂ©elle des besoins des rĂ©sidents. Alors que la rĂ©glementation prĂ©voit une réévaluation du GMP (Gir Moyen PondĂ©rĂ©) et du PMP (Pathos Moyen PondĂ©rĂ©) tous les cinq ans, la rĂ©alitĂ© est souvent diffĂ©rente. Une Ă©tude de la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques) publiĂ©e en 2023 souligne que le dĂ©lai moyen entre deux Ă©valuations PATHOS dĂ©passe souvent les 6 ans, crĂ©ant un dĂ©calage prĂ©occupant entre les besoins rĂ©els des rĂ©sidents et les moyens allouĂ©s aux Ă©tablissements. Cette situation est d’autant plus problĂ©matique que la population des EHPAD est de plus en plus dĂ©pendante, avec une augmentation constante des pathologies lourdes et des troubles cognitifs.

Face Ă  ce constat, plusieurs pistes d’amĂ©lioration sont envisagĂ©es. La premiĂšre consisterait Ă  augmenter la frĂ©quence des Ă©valuations, en les portant Ă  un rythme annuel, voire semestriel pour les rĂ©sidents dont l’Ă©tat de santĂ© est instable. Cette mesure permettrait une meilleure adaptation des moyens aux besoins, mais nĂ©cessiterait une simplification du processus de validation, actuellement jugĂ© trop lourd et chronophage.

La digitalisation : un impĂ©ratif pour moderniser le processus d’Ă©valuation

Autre point noir souvent pointĂ© du doigt : le caractĂšre archaĂŻque du processus d’Ă©valuation. À l’heure du numĂ©rique, les Ă©valuations AGGIR et PATHOS reposent encore majoritairement sur des supports papier et des dĂ©placements physiques, gĂ©nĂ©rant une lourdeur administrative consĂ©quente pour les Ă©tablissements et les autoritĂ©s de tutelle.

La digitalisation du processus d’Ă©valuation apparaĂźt comme une Ă©vidence pour gagner en efficacitĂ© et en fluiditĂ©. La crĂ©ation d’une plateforme numĂ©rique sĂ©curisĂ©e permettrait de dĂ©matĂ©rialiser les dossiers, de faciliter la transmission des informations et de fluidifier les Ă©changes entre les diffĂ©rents acteurs. Le secteur mĂ©dico-social pourrait s’inspirer des avancĂ©es rĂ©alisĂ©es dans le domaine de la santĂ©, notamment avec le dĂ©veloppement du Dossier MĂ©dical PartagĂ© (DMP) et la gĂ©nĂ©ralisation de la tĂ©lĂ©mĂ©decine.

Repenser les outils pour mieux répondre aux besoins des résidents

Au-delĂ  de la frĂ©quence et du mode de rĂ©alisation, c’est la pertinence mĂȘme des outils AGGIR et PATHOS qui est remise en question. Conçus il y a plus de vingt ans, ces outils peinent Ă  apprĂ©hender la complexitĂ© des situations rencontrĂ©es dans les EHPAD aujourd’hui.

Le vieillissement de la population s’accompagne d’une augmentation des pathologies chroniques, des troubles cognitifs et des situations de handicap psychique. Or, les outils actuels ne prennent pas suffisamment en compte ces spĂ©cificitĂ©s, conduisant Ă  une sous-Ă©valuation des besoins et Ă  un manque de moyens pour les Ă©tablissements.

Une refonte des grilles d’Ă©valuation, intĂ©grant de nouveaux critĂšres et une meilleure prise en compte des pathologies Ă©mergentes, apparaĂźt indispensable. Le dĂ©veloppement d’un « New PATHOS », adaptĂ© aux rĂ©alitĂ©s du terrain et intĂ©grant les derniĂšres avancĂ©es scientifiques, est une piste sĂ©rieusement Ă©tudiĂ©e par les pouvoirs publics.

Vers une refonte totale du systĂšme d’Ă©valuation ?

La fusion prochaine des sections « soins » et « dĂ©pendance » dans le financement des EHPAD ouvre la voie Ă  une rĂ©flexion de fond sur le systĂšme d’Ă©valuation. Alors que la distinction entre ces deux sections tend Ă  s’estomper dans la pratique, le maintien de deux Ă©valuations distinctes (AGGIR et PATHOS) apparaĂźt de plus en plus obsolĂšte.

Certains experts plaident pour une simplification radicale du systĂšme, avec la mise en place d’une Ă©valuation unique, basĂ©e sur la charge globale en soins de l’Ă©tablissement. Cette approche, dĂ©jĂ  expĂ©rimentĂ©e dans certains pays europĂ©ens, permettrait de simplifier considĂ©rablement la gestion administrative et financiĂšre des EHPAD, tout en garantissant une meilleure adĂ©quation entre les besoins des rĂ©sidents et les ressources allouĂ©es.