La récente loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, dite loi Valletoux, a apporté des changements significatifs concernant les médecins coordonnateurs en Ehpad. Un décret d’application publié le 10 juillet 2023 vient préciser certains aspects, mais laisse encore de nombreuses questions en suspens. Cette situation soulève des inquiétudes chez les professionnels du secteur, qui attendent des éclaircissements sur leurs missions et leur statut.
Sommaire
Un seuil de 200 places pour un seul médecin coordonnateur
Le décret fixe un seuil de 200 places d’Ehpad en dessous duquel un seul médecin coordonnateur peut exercer. Cette disposition vise à garantir un encadrement médical adapté dans les plus grands établissements. Concrètement, cela signifie que les Ehpad de plus de 200 places devront désormais faire appel à plusieurs médecins coordonnateurs.
Cette mesure concerne principalement le secteur public et associatif. Selon l’enquête nationale 2019, 144 Ehpad publics (35 896 résidents) et 19 Ehpad privés non lucratifs (5 260 résidents) dépassent ce seuil. En revanche, aucun Ehpad privé commercial n’était concerné en 2019.
Pour les établissements de moins de 200 places, la situation peut devenir complexe. Ceux qui avaient opté pour plusieurs médecins coordonnateurs devront revoir leur organisation. Pascal Meyvaert, président du Syndicat des médecins coordonnateurs d’Ehpad, s’inquiète : « Certains médecins pourraient cesser leur collaboration, faute de pouvoir consacrer plus de temps à ces missions. »
Le temps de présence des médecins coordonnateurs reste inchangé. Le décret maintient les équivalents temps plein (ETP) en fonction du nombre de résidents : 0,40 ETP pour moins de 59 places, 0,60 ETP entre 60 et 99 places, 0,80 ETP de 100 à 199 places, et 1 ETP à partir de 200 places.
Des missions élargies mais un manque de précisions
La loi Valletoux a élargi les missions des médecins coordonnateurs. Ils peuvent désormais assurer le suivi médical et réaliser des prescriptions pour les résidents qui le souhaitent. Cependant, le décret d’application ne donne aucune précision sur cette nouvelle attribution.
Cette absence de clarification suscite l’étonnement des professionnels. Nathalie Maubourguet, présidente de la Fédération française des médecins coordonnateurs en Ehpad, souligne : « Ce point n’a jamais été discuté dans les groupes de travail auxquels nous avons participé. »
Le manque de précisions sur la répartition entre coordination et soins inquiète. Odile Reynaud-Levy, présidente de la fédération Mcoor, craint une confusion : « Rien n’est dit sur le partage entre les missions de coordination et de soins. Nous demandons des contrats distincts pour chaque mission. »
Cette problématique n’est pas nouvelle. Les débats sur ce sujet animent le secteur depuis deux ans, sans avancée concrète. Un projet de texte pourrait être discuté à la rentrée de septembre 2023, mais rien n’est encore certain.
Une pénurie persistante de médecins coordonnateurs
Le décret ne résout pas le problème de fond : près d’un tiers des Ehpad fonctionnent sans médecin coordonnateur. Cette situation préoccupante risque de s’aggraver avec les nouvelles dispositions. En effet, les établissements de moins de 200 places qui avaient réussi à attirer plusieurs médecins à temps partiel pourraient se retrouver sans aucun professionnel.
La démographie médicale en gériatrie reste problématique. Selon les chiffres du Conseil national de l’Ordre des médecins, on comptait en 2022 seulement 1 817 gériatres en activité régulière en France, pour plus de 7 000 Ehpad. Cette pénurie rend difficile le recrutement de médecins coordonnateurs qualifiés.
Des solutions innovantes sont nécessaires pour attirer les médecins vers ces postes. Certains experts suggèrent de revaloriser la fonction, d’améliorer les conditions de travail ou encore de développer des partenariats avec les facultés de médecine pour sensibiliser les étudiants à cette spécialité.
Un besoin urgent de clarification et de concertation
Les fédérations de médecins coordonnateurs appellent à une clarification rapide de leurs missions. Elles souhaitent notamment que soit précisée la répartition du temps entre coordination et soins directs aux résidents. Cette demande vise à garantir que la fonction essentielle de coordination ne soit pas négligée au profit des actes médicaux.
Une meilleure concertation avec les professionnels du secteur est demandée. Odile Reynaud-Levy de la fédération Mcoor déplore : « Notre organisation n’a pas été consultée sur ce décret. » Un sentiment partagé par de nombreux acteurs du secteur qui se sentent mis devant le fait accompli.
Des négociations sont attendues pour la rentrée 2023. Un projet de texte pourrait être discuté pour préciser les modalités d’application de la loi Valletoux concernant les médecins coordonnateurs. Les professionnels espèrent que leurs préoccupations seront entendues et que des solutions concrètes seront apportées.
En conclusion, si la loi Valletoux et son décret d’application visent à améliorer la prise en charge médicale en Ehpad, de nombreuses zones d’ombre subsistent. Les médecins coordonnateurs, acteurs clés du bien-être des résidents, attendent des éclaircissements sur leurs missions et leur statut. Une concertation approfondie avec les professionnels du secteur semble indispensable pour garantir une mise en œuvre efficace de ces nouvelles dispositions.

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