Gestion de la douleur en EHPAD : évaluation et approches thérapeutiques

Découvrez les méthodes d’évaluation et de traitement de la douleur en EHPAD : outils adaptés, approches médicamenteuses et non médicamenteuses pour améliorer le confort des résidents.

La gestion de la douleur en EHPAD constitue aujourd’hui un enjeu majeur de santé publique et de qualité de vie. Avec plus de 60 % des résidents âgés de plus de 85 ans et porteurs de polypathologies, dont des troubles cognitifs sévères, la détection et le traitement de la douleur exigent des compétences spécifiques et une organisation rigoureuse. Alors que 20 % de la population adulte souffre de douleur chronique, ce taux grimpe considérablement chez les personnes âgées institutionnalisées, rendant indispensable une approche globale, pluridisciplinaire et centrée sur le résident.


Évaluer la douleur chez les résidents : une complexité sous-estimée

L’évaluation précise de la douleur représente le premier défi dans la prise en charge. Contrairement aux idées reçues, la douleur n’est pas une conséquence inévitable du vieillissement, mais un symptôme à prendre au sérieux. Pourtant, elle reste largement sous-diagnostiquée en établissement.

Les outils d’évaluation adaptés aux profils cognitifs

Chez les résidents capables de communiquer verbalement, l’échelle visuelle analogique (EVA) ou l’échelle numérique permettent d’obtenir une auto-évaluation fiable. Mais pour les personnes atteintes de démence ou de troubles cognitifs sévères, ces outils perdent leur pertinence.

Des échelles comportementales spécifiques ont été développées :

  • Algoplus : observe six items comportementaux (visage, regard, plaintes, corps, comportement, retentissement fonctionnel)
  • Doloplus-2 : évalue dix dimensions réparties en trois catégories (somatique, psychomotrice, psychosociale)
  • ECPA : adaptée aux personnes âgées non communicantes, elle explore huit domaines d’observation

Une évaluation systématique au moins une fois par semaine pour tous les résidents, et quotidiennement en cas de douleur identifiée, améliore significativement la qualité de prise en charge.

Reconnaître les signaux non verbaux de la douleur

Les équipes doivent être formées à décoder les manifestations indirectes :

  • Expressions faciales : grimaces, froncement des sourcils, yeux fermés
  • Modifications comportementales : agitation, agressivité, retrait social, refus de soins
  • Changements posturaux : position antalgique, immobilité inhabituelle, protection d’une zone
  • Vocalisations : gémissements, pleurs, cris sans raison apparente
  • Perturbations physiologiques : troubles du sommeil, perte d’appétit, accélération cardiaque

Un exemple concret : dans un EHPAD des Hauts-de-France, une résidente atteinte d’Alzheimer présentait des troubles du comportement croissants, avec refus alimentaire et agressivité lors des soins. L’utilisation systématique de l’échelle Algoplus a permis d’identifier une douleur importante liée à une fracture vertébrale passée inaperçue. Le traitement adapté a restauré son confort et son comportement habituel en quelques jours.

Intégrer l’évaluation dans le parcours de soins

L’évaluation de la douleur doit s’inscrire dans une démarche structurée :

  1. Évaluation initiale lors de l’entrée du résident, intégrée au bilan global
  2. Réévaluation systématique selon un calendrier défini dans le projet de soins personnalisé
  3. Évaluation ciblée après chaque intervention potentiellement douloureuse (soins, mobilisation, toilette)
  4. Traçabilité dans le dossier de soins informatisé, accessible à l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire

L’utilisation des transmissions ciblées facilite le suivi longitudinal et la coordination entre professionnels. La donnée « douleur » devient ainsi un indicateur de qualité mesurable, intégré au pilotage de l’établissement.

Conseil opérationnel : Désignez dans chaque unité un référent douleur formé spécifiquement, qui assure la diffusion des bonnes pratiques et l’accompagnement des collègues dans les situations complexes.


Approches pharmacologiques : entre nécessité et vigilance

Le traitement médicamenteux de la douleur chez la personne âgée exige une expertise particulière. Les modifications physiologiques liées au vieillissement (fonction rénale diminuée, masse musculaire réduite, polymédication) augmentent considérablement les risques d’effets indésirables et d’interactions médicamenteuses.

Le respect de la stratégie palier de l’OMS

L’Organisation Mondiale de la Santé propose une approche graduée en trois paliers :

Palier Type d’antalgique Indication Précautions spécifiques en EHPAD
1 Paracétamol, AINS Douleur légère à modérée Adapter les doses à la fonction rénale
2 Opioïdes faibles (codéine, tramadol) Douleur modérée à sévère Surveillance constipation, confusion
3 Opioïdes forts (morphine, fentanyl) Douleur sévère Titration prudente, monitoring respiratoire

Le paracétamol reste la molécule de première intention, avec une dose maximale de 3 g/jour chez le sujet âgé (contre 4 g chez l’adulte). Son innocuité relative en fait un choix privilégié, à condition de respecter scrupuleusement la posologie.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) doivent être utilisés avec prudence : risques gastro-intestinaux accrus, toxicité rénale, interactions avec les antihypertenseurs et anticoagulants fréquemment prescrits en EHPAD.

La gestion des opioïdes : bénéfices et risques

Les opioïdes constituent une ressource précieuse pour les douleurs intenses. Leur utilisation en EHPAD nécessite néanmoins une surveillance renforcée :

  • Titration progressive : débuter par de faibles doses et augmenter graduellement
  • Monitoring des effets secondaires : somnolence, confusion, constipation (systématique), nausées, rétention urinaire
  • Prévention de la constipation : laxatif prescrit d’emblée lors de tout traitement opioïde
  • Réévaluation régulière : le traitement doit être ajusté en fonction de l’évolution de la douleur

Un cas illustratif : un EHPAD parisien a mis en place un protocole de titration morphinique pour les douleurs cancéreuses. L’équipe médicale a constaté une réduction de 40 % des hospitalisations liées à la gestion de la douleur en six mois, tout en améliorant significativement le confort des résidents en fin de vie.

Les traitements adjuvants pour les douleurs neuropathiques

Les douleurs neuropathiques (diabète, zona, compression nerveuse) répondent mal aux antalgiques classiques. Des molécules spécifiques sont indiquées :

  • Gabapentine et prégabaline : efficaces mais nécessitant une adaptation posologique rigoureuse
  • Antidépresseurs tricycliques : utiles mais effets anticholinergiques à surveiller (confusion, rétention, chutes)
  • Patchs de lidocaïne : alternative locale pour les douleurs post-zostériennes

La polymédication constitue un risque majeur : les résidents d’EHPAD prennent en moyenne 7 à 9 médicaments quotidiens. Chaque ajout thérapeutique doit faire l’objet d’une révision médicamenteuse pour détecter les interactions potentielles.

Conseil opérationnel : Organisez mensuellement une réunion de conciliation médicamenteuse associant médecin coordonnateur, infirmière et pharmacien, avec révision systématique des traitements antalgiques et de leurs effets observés.


Approches non médicamenteuses : un arsenal thérapeutique en plein essor

Face aux limites et risques des traitements pharmacologiques, les approches complémentaires gagnent en légitimité scientifique et en popularité auprès des équipes. Elles permettent souvent de réduire les doses médicamenteuses tout en améliorant la qualité de vie.

Les thérapies physiques et corporelles

La kinésithérapie occupe une place centrale dans la gestion de la douleur chronique, notamment ostéoarticulaire. Des séances régulières permettent :

  • Le maintien de la mobilité articulaire
  • Le renforcement musculaire protégeant les articulations
  • La correction posturale réduisant les tensions
  • L’apprentissage d’auto-exercices réalisables au quotidien

L’ergothérapie complète cette approche en adaptant l’environnement et les aides techniques : fauteuil adapté, matelas anti-escarres, coussins de positionnement, aides à la préhension. Ces ajustements réduisent considérablement les douleurs liées à des postures inadéquates.

La balnéothérapie, lorsque l’établissement dispose d’un équipement adapté, offre des bénéfices multiples : détente musculaire, mobilisation facilitée par la portance de l’eau, effet apaisant.

Les approches sensorielles et relationnelles

Le toucher-massage représente une intervention simple mais remarquablement efficace. Des études récentes montrent une réduction significative de l’intensité douloureuse après des séances de 15 à 20 minutes. Cette pratique, accessible aux aides-soignants formés, renforce également le lien relationnel et diminue l’anxiété.

Un EHPAD normand a intégré des séances hebdomadaires de massage des mains et des pieds dans le planning de soins. Les résidents participants rapportent une amélioration de leur bien-être global, et l’équipe observe une diminution des demandes d’antalgiques à la demande.

La musicothérapie agit sur la composante émotionnelle de la douleur. L’écoute de musique choisie selon les préférences du résident active les circuits de récompense cérébraux et détourne l’attention de la sensation douloureuse.

L’art-thérapie permet l’expression émotionnelle et favorise un sentiment de contrôle et d’accomplissement, particulièrement bénéfique pour les douleurs chroniques où la dimension psychologique est prépondérante.

Les techniques cognitivo-comportementales

Ces approches ciblent la perception et la gestion de la douleur :

  • Relaxation et respiration : techniques enseignables aux résidents et aux aidants
  • Distraction cognitive : activités captivantes durant les soins potentiellement douloureux
  • Imagerie mentale : visualisation de lieux apaisants
  • Hypnose : pratiquée par des professionnels formés, elle montre une efficacité notable

Intégrer ces approches dans le projet de soins personnalisé

La multiplicité des techniques disponibles exige une approche individualisée. Le choix s’appuie sur :

  1. Les préférences du résident : ce qui fonctionne pour l’un peut être rejeté par l’autre
  2. Le type de douleur : nociceptive, neuropathique, mixte
  3. Les capacités cognitives et fonctionnelles
  4. Les ressources de l’établissement : équipements, compétences disponibles

L’aide au repas et la toilette évaluative constituent des moments privilégiés pour observer l’efficacité des stratégies mises en place et ajuster l’accompagnement.

Conseil opérationnel : Créez un référentiel interne des approches non médicamenteuses disponibles dans votre établissement, avec pour chacune les indications, contre-indications, professionnels référents et modalités pratiques. Diffusez-le largement auprès des équipes et des familles.


Formation des équipes et collaboration pluridisciplinaire : les piliers de l’excellence

La qualité de la prise en charge de la douleur repose fondamentalement sur les compétences et la coordination des professionnels. Les études récentes identifient clairement un manque de formation et de confiance du personnel dans l’évaluation et la gestion de la douleur, particulièrement chez les résidents atteints de démence.

Les formations obligatoires et recommandées

La réglementation impose plusieurs formations obligatoires en EHPAD qui incluent des aspects liés à la gestion de la douleur :

  • Bientraitance : comprend l’identification et le soulagement de la douleur comme composante essentielle du respect de la dignité
  • Soins palliatifs : formation spécifique à la gestion de la douleur en fin de vie
  • Évaluation gériatrique : inclut les outils d’évaluation de la douleur

Au-delà de ces formations réglementaires, des formations complémentaires spécifiques s’avèrent indispensables :

  • Reconnaissance des signes de douleur chez les personnes non communicantes
  • Utilisation pratique des échelles d’évaluation (Algoplus, Doloplus, ECPA)
  • Pharmacologie de la douleur chez le sujet âgé
  • Techniques non médicamenteuses : toucher-massage, relaxation, positionnement
  • Communication avec le résident douloureux et sa famille

Structurer un parcours de montée en compétences

Un plan de formation efficace s’articule en plusieurs niveaux :

Niveau 1 – Socle commun (tous les professionnels) :
– Comprendre la douleur chez la personne âgée
– Connaître les principaux outils d’évaluation
– Savoir transmettre une information pertinente
– Appliquer les mesures de confort de base

Niveau 2 – Compétences approfondies (IDE, AS, référents) :
– Maîtriser l’ensemble des échelles d’évaluation
– Comprendre les stratégies thérapeutiques
– Mettre en œuvre les techniques non médicamenteuses
– Accompagner les collègues dans les situations complexes

Niveau 3 – Expertise (médecin coordonnateur, IDEC, référents douleur) :
– Élaborer les protocoles institutionnels
– Former les équipes
– Piloter les indicateurs qualité
– Assurer la veille scientifique et réglementaire

La formation continue doit être régulière : une actualisation annuelle minimum permet d’intégrer les nouvelles recommandations et de renforcer les acquis.

La pluridisciplinarité au service du résident

La gestion optimale de la douleur nécessite la contribution coordonnée de multiples professionnels :

Professionnel Contribution spécifique Moment clé d’intervention
Médecin coordonnateur Prescription, stratégie thérapeutique, coordination Visite médicale, réunion de synthèse
IDEC Pilotage institutionnel, formation, protocoles Organisation des soins, évaluation qualité
IDE Évaluation quotidienne, administration, surveillance Tournée de soins, transmissions
Aide-soignant Observation comportementale, mesures de confort Soins d’hygiène, repas, activités
Kinésithérapeute Mobilisation, rééducation fonctionnelle Séances programmées, conseil postural
Ergothérapeute Adaptation environnement, aides techniques Évaluation fonctionnelle, aménagement
Psychologue Dimension émotionnelle, anxiété, dépression Entretien individuel, groupes de parole
Pharmacien Révision médicamenteuse, interactions Conciliation thérapeutique mensuelle

Les réunions pluridisciplinaires : un outil de coordination indispensable

L’organisation de réunions régulières structure la collaboration :

  • Réunion hebdomadaire de service : point rapide sur les situations douloureuses identifiées, ajustements immédiats
  • Synthèse mensuelle : analyse approfondie des dossiers complexes, révision des projets de soins personnalisés
  • Groupe de travail trimestriel : retour d’expérience, analyse des indicateurs, évolution des protocoles

Ces temps d’échange favorisent la cohérence des interventions et évitent les ruptures dans la continuité des soins, particulièrement critiques lors du travail de nuit où les équipes sont réduites.

Comment gérer les situations d’agressivité liées à la douleur ?

La douleur non soulagée constitue une cause majeure de troubles du comportement en EHPAD. Avec 60% des résidents potentiellement touchés par des épisodes d’agressivité, il est crucial de former les équipes à identifier la douleur comme facteur déclenchant et à adapter leur approche relationnelle.

La méthode DICE (Décrire, Investiguer, Créer, Évaluer) offre un cadre structuré pour analyser ces situations et élaborer des réponses personnalisées.

Conseil opérationnel : Mettez en place un système de compagnonnage où chaque nouveau professionnel est accompagné pendant un mois par un référent douleur. Cette transmission pratique des savoir-faire sur le terrain s’avère bien plus efficace qu’une formation théorique isolée.


Comment impliquer résidents et familles dans la gestion de la douleur ?

La personne âgée doit rester actrice de sa prise en charge, même lorsque ses capacités cognitives sont altérées. L’implication des résidents et de leurs proches améliore significativement l’efficacité des stratégies thérapeutiques et renforce l’alliance de soins.

Informer pour autonomiser

Une information claire et adaptée constitue le préalable à toute participation :

  • Lors de l’admission : présentation systématique de la politique de gestion de la douleur de l’établissement, remise d’un document explicatif
  • Au quotidien : explication des évaluations réalisées, des traitements proposés, des alternatives disponibles
  • Avant chaque soin potentiellement douloureux : prévenir, expliquer, demander le consentement

Les pratiques de bientraitance intègrent cette dimension informationnelle comme composante essentielle du respect de la personne.

Recueillir les préférences et respecter les choix

Chaque résident a son propre rapport à la douleur, influencé par son histoire, sa culture, ses croyances. Certains privilégient l’absence totale de douleur quitte à accepter une somnolence, d’autres préfèrent conserver leur vigilance avec un soulagement partiel.

Le projet de soins personnalisé doit inclure :

  • Les expériences antérieures de douleur et leur gestion
  • Les stratégies personnelles efficaces par le passé
  • Les préférences en matière de traitement (privilégier le médicamenteux ou le non médicamenteux)
  • Les activités qui soulagent ou au contraire aggravent la douleur
  • Les manifestations habituelles de douleur selon les proches

Le rôle essentiel des familles

Les proches constituent des observateurs privilégiés, capables de détecter des changements subtils invisibles pour les professionnels. Leur contribution s’avère particulièrement précieuse chez les résidents atteints de troubles cognitifs sévères.

Stratégies d’implication des familles :

  • Former les proches à reconnaître les signes de douleur chez leur parent
  • Les encourager à signaler toute modification comportementale
  • Les associer aux décisions thérapeutiques lors des réunions de synthèse
  • Leur enseigner des gestes simples de confort (massage des mains, positionnement)
  • Valoriser leur expertise unique de leur proche

Un EHPAD breton a créé des « ateliers familles » mensuels où les proches apprennent des techniques de relaxation et de massage qu’ils peuvent ensuite pratiquer lors des visites. Les retours sont extrêmement positifs : les familles se sentent utiles et actives dans l’accompagnement, les résidents bénéficient de moments de détente supplémentaires, et le lien familial s’en trouve renforcé.

Gérer les refus de soins liés à la douleur

Certains résidents refusent les soins d’hygiène ou de mobilisation par anticipation de la douleur. Ces situations délicates nécessitent une approche respectueuse et créative :

  1. Valider l’émotion : « Je comprends que vous ayez peur d’avoir mal »
  2. Rassurer : « Nous allons tout faire pour que ce soit le plus confortable possible »
  3. Proposer des alternatives : horaire différent, autre professionnel, technique modifiée
  4. Fractionner : réaliser le soin en plusieurs étapes courtes si nécessaire
  5. Administrer un antalgique préventif si prescrit, 30 à 60 minutes avant le soin

Le respect du rythme et des refus, tout en expliquant les conséquences d’une absence de soins, fait partie intégrante d’une approche éthique.

Les questions fréquentes des résidents et familles

Mon parent ne se plaint jamais, peut-il quand même avoir mal ?

Absolument. De nombreuses personnes âgées considèrent la douleur comme normale avec l’âge et ne se plaignent pas spontanément. D’autres souffrent de troubles cognitifs qui empêchent l’expression verbale de la douleur. C’est pourquoi nous utilisons des échelles d’observation comportementale qui permettent de détecter la douleur même sans plainte exprimée.

Les médicaments contre la douleur ne vont-ils pas « abrutir » mon parent ?

Les traitements bien ajustés soulagent la douleur sans provoquer de somnolence excessive. Nous débutons toujours par de faibles doses que nous augmentons progressivement si nécessaire. La surveillance régulière permet d’identifier rapidement un surdosage éventuel et d’ajuster. Une personne soulagée est souvent plus éveillée et active qu’une personne souffrante repliée sur elle-même.

Peut-on devenir dépendant aux antidouleurs ?

Le risque de dépendance psychologique aux opioïdes est très faible chez la personne âgée souffrant de douleurs chroniques liées à une pathologie avérée. Le corps développe une tolérance progressive qui nécessite parfois d’augmenter les doses, mais ce n’est pas une addiction. L’important est un suivi médical rigoureux et une réévaluation régulière de la nécessité du traitement.

Conseil opérationnel : Organisez deux fois par an une réunion d’information ouverte aux familles sur le thème de la gestion de la douleur, avec possibilité de poser toutes les questions. Cette transparence renforce la confiance et facilite la collaboration au quotidien.


Vers une culture institutionnelle de lutte contre la douleur

L’amélioration durable de la gestion de la douleur en EHPAD nécessite un engagement institutionnel fort, incarné par des procédures formalisées, des indicateurs de suivi et une dynamique collective d’amélioration continue.

Formaliser les pratiques par des protocoles

La rédaction de protocoles institutionnels structure les interventions et garantit la cohérence entre professionnels et entre équipes (jour/nuit, jours ouvrés/week-end) :

  • Protocole d’évaluation systématique de la douleur (quand, par qui, avec quels outils)
  • Protocole d’administration des antalgiques (respect des horaires, surveillance des effets)
  • Protocole de gestion de la douleur aiguë (chute, traumatisme, rétention urinaire)
  • Protocole de soins potentiellement douloureux (toilette, mobilisation, pansements)
  • Protocole de gestion des fins de vie et des douleurs réfractaires

Ces documents, élaborés collectivement et régulièrement actualisés, doivent être accessibles à tous les professionnels, notamment dans le cadre d’un mode dégradé où les équipes réduites ont besoin de repères clairs.

Piloter par des indicateurs qualité

Ce qui n’est pas mesuré ne peut être amélioré. Des indicateurs pertinents permettent d’objectiver la situation et de suivre les progrès :

Indicateurs de processus :
– Pourcentage de résidents avec au moins une évaluation de la douleur par semaine
– Taux de traçabilité des évaluations dans les dossiers
– Pourcentage du personnel formé à la gestion de la douleur
– Nombre de réunions pluridisciplinaires incluant la thématique douleur

Indicateurs de résultats :
– Proportion de résidents avec douleur non contrôlée (score ≥ 4/10 ou ≥ 3 à Algoplus)
– Taux de recours aux antalgiques de palier 3
– Nombre de transferts hospitaliers pour douleur non maîtrisée
– Score de satisfaction des résidents et familles concernant la gestion de la douleur

Ces indicateurs alimentent le tableau de bord qualité de l’établissement et s’intègrent naturellement dans la démarche de certification EHPAD.

Créer une dynamique d’amélioration continue

La culture institutionnelle se construit progressivement par des actions concrètes :

  • Comité douleur : groupe de travail permanent réunissant représentants des différentes catégories professionnelles, mandaté pour piloter la politique institutionnelle
  • Analyse des événements indésirables : tout épisode de douleur non contrôlée fait l’objet d’une analyse selon une méthode structurée (ORION, RCA) pour identifier les causes et mettre en place des actions correctives
  • Retour d’expérience : partage régulier des situations complexes et des solutions efficaces trouvées, valorisation des bonnes pratiques
  • Veille scientifique : diffusion des nouvelles recommandations, articles pertinents, retours de congrès

L’intégration dans le projet d’établissement

La gestion de la douleur ne doit pas être une préoccupation périphérique mais un axe stratégique du projet d’établissement, décliné en objectifs opérationnels :

  • Objectif 1 : 100% des résidents évalués au moins hebdomadairement avec traçabilité
  • Objectif 2 : Formation de l’ensemble du personnel au socle commun d’ici 18 mois
  • Objectif 3 : Réduction de 30% des épisodes de douleur non contrôlée en 2 ans
  • Objectif 4 : Développement de 3 approches non médicamenteuses supplémentaires

Ces objectifs sont communiqués lors de l’accueil de nouveaux professionnels, affichés dans les locaux, et évalués annuellement lors du bilan d’activité.

Valoriser et reconnaître l’engagement des équipes

La gestion de la douleur représente une charge de travail supplémentaire pour des équipes souvent en tension. Reconnaître et valoriser leur engagement est essentiel pour maintenir la motivation :

  • Restitution régulière des indicateurs montrant les progrès accomplis
  • Valorisation publique des initiatives individuelles ou collectives réussies
  • Organisation d’une « journée de la douleur » annuelle avec sensibilisation, ateliers, témoignages
  • Intégration de critères liés à la gestion de la douleur dans l’évaluation annuelle

Un EHPAD lyonnais a instauré un « prix de l’innovation » annuel récompensant l’équipe ou le professionnel ayant développé l’approche la plus créative pour soulager un résident. Cette reconnaissance symbolique génère une émulation positive et stimule la créativité.

Communiquer en interne et en externe

L’excellence en matière de gestion de la douleur constitue un élément différenciant et attractif pour les résidents potentiels, leurs familles, et les professionnels en recherche d’emploi. Les informations relatives à cette thématique doivent figurer parmi les documents affichés à l’entrée de l’établissement.

La communication peut prendre diverses formes :

  • Livret d’accueil détaillant la politique de gestion de la douleur
  • Site internet présentant les approches proposées
  • Témoignages de résidents et familles satisfaits
  • Articles dans la presse professionnelle locale
  • Participation à des journées scientifiques pour présenter les pratiques de l’établissement

Cette transparence renforce la confiance et positionne l’établissement comme un acteur sérieux et engagé.


Mini-FAQ

Quelle est la fréquence d’évaluation de la douleur recommandée en EHPAD ?

Au minimum une fois par semaine pour tous les résidents, quotidiennement en cas de douleur identifiée, et systématiquement après chaque intervention potentiellement douloureuse. Cette fréquence peut être augmentée en fonction du contexte clinique.

Les approches non médicamenteuses peuvent-elles réellement remplacer les médicaments ?

Elles constituent des compléments précieux qui permettent souvent de réduire les doses médicamenteuses, mais rarement de les remplacer totalement dans les douleurs modérées à sévères. L’approche optimale combine généralement traitements pharmacologiques et non pharmacologiques.

Comment évaluer l’efficacité des stratégies mises en place ?

Par une réévaluation régulière avec les mêmes outils que l’évaluation initiale, l’observation des modifications comportementales (meilleur sommeil, participation aux activités, apaisement), et le recueil du ressenti du résident quand c’est possible. Les indicateurs institutionnels permettent également une vision globale de la qualité de prise en charge.

Conseil opérationnel final : Commencez modestement par un objectif réaliste et mesurable (par exemple : évaluer 100% des résidents avec Algoplus une fois par semaine), puis élargissez progressivement votre démarche. La transformation culturelle prend du temps mais chaque étape franchie améliore concrètement le quotidien des résidents.

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