Les carences dans les actes d’accompagnement quotidien en EHPAD

Le vieillissement de la population en France, accentué par une espérance de vie croissante, place les EHPAD sous les projecteurs. Ces institutions, censées garantir une qualité de vie décente aux résidents, souvent en situation de grande vulnérabilité, font pourtant l’objet de nombreuses critiques quant à la tenue des actes du quotidien. Un récent constat dressé…

Le vieillissement de la population en France, accentué par une espérance de vie croissante, place les EHPAD sous les projecteurs. Ces institutions, censées garantir une qualité de vie décente aux résidents, souvent en situation de grande vulnérabilité, font pourtant l’objet de nombreuses critiques quant à la tenue des actes du quotidien. Un récent constat dressé par la commission EHPAD du CDCA (Conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie) de l’Aude met en lumière des carences graves dans l’accompagnement des résidents. Toilettes incomplètes, repas standardisés, écoute insuffisante : ces lacunes, loin d’être isolées, traduisent une crise plus large du secteur. Pénurie de personnel, manque de moyens et déficits dans l’organisation interne aggravent une situation déjà fragile, avec des répercussions lourdes sur le bien-être des résidents.

Toilettes, repas, écoute : des soins quotidiens souvent expéditifs

Les actes essentiels du quotidien, qui devraient être synonymes de dignité et de confort, sont parfois réduits à des tâches expéditives en EHPAD. Les toilettes, par exemple, sont souvent réalisées tardivement, parfois de manière partielle. Certains soins, tels que l’hygiène bucco-dentaire, passent à la trappe, faute de temps. Cet oubli a des conséquences graves : infections, inconfort et perte d’autonomie accrue chez les résidents.

La situation n’est pas meilleure du côté des repas. Les menus standardisés, souvent mal adaptés aux besoins nutritionnels des résidents, soulèvent de vives inquiétudes. Pain dur, fruits non frais, repas servis dans des délais trop courts… Les témoignages révèlent une gestion peu personnalisée. Un grand nombre de résidents prennent leur petit-déjeuner au lit, une pratique pourtant déconseillée dans leurs contrats de séjour. Ces conditions participent à une déshumanisation de leur quotidien, notamment pour les personnes atteintes de troubles cognitifs.

De plus, l’écoute des résidents, essentielle à leur bien-être, fait cruellement défaut. Les soins, précipités par manque de personnel, laissent peu de place aux moments d’échange. Or, cette absence d’attention creuse un sentiment d’isolement, renforcé par des animations insuffisantes ou quasi inexistantes dans certains établissements.

Une organisation inadaptée au rythme de vie des résidents

En EHPAD, le rythme de vie imposé par les établissements semble souvent en décalage avec les besoins des personnes qu’ils accueillent. Le lever des résidents est souvent tardif, tandis que le coucher est imposé prématurément. Ces horaires, dictés par des contraintes organisationnelles, ne tiennent ni compte des préférences des résidents ni de leur état de santé. Un résident souffrant de troubles cognitifs, par exemple, peut voir ses symptômes s’aggraver en raison d’un manque de stimulation ou d’une désorientation liée à un changement répété de routine.

Le roulement important des équipes soignantes, dû notamment à des difficultés de recrutement, ajoute à ce problème. Cette rotation excessive complique la création de liens de confiance entre soignants et résidents, pourtant cruciale pour leur bien-être moral et psychologique. Certaines études montrent que ce manque de continuité dans l’encadrement peut aggraver les troubles cognitifs des résidents, entraînant des comportements anxieux.

Les animations, autrefois conçues comme des moments de sociabilisation et de distraction, sont aujourd’hui reléguées au second plan. Dans de nombreux cas, elles sont soit absentes, soit organisées de manière sporadique, privant les résidents d’activités stimulantes. Pourtant, ces animations jouent un rôle capital pour maintenir leur moral, leur autonomie et leur lien avec le monde extérieur.

Un constat alarmant : la France à la traîne sur le ratio soignants/résidents

Le sous-effectif chronique est une clé de voûte des carences relevées. Avec un taux d’encadrement moyen de 0,57 soignant pour un résident, la France est loin derrière les pays nordiques. Ces derniers affichent un ratio de 1 soignant pour 1 résident, garantissant ainsi une prise en charge personnalisée et humaine. Le décalage est frappant et soulève des questions sur l’investissement public dans les EHPAD français.

Ce manque de personnel se traduit par des soins trop souvent précipités, incomplets voire impersonnels. Les aides-soignants, en première ligne, doivent exercer sous une pression constante, dans des conditions de travail particulièrement difficiles. La pénurie est aggravée par la faible attractivité des métiers du soin : contrats précaires, horaires fractionnés et salaires peu compétitifs découragent nombre de vocations. Le secteur enregistre ainsi de grandes difficultés de recrutement, notamment pour des postes essentiels comme ceux de médecins coordonnateurs, absents dans un tiers des établissements.

En 2022, une enquête menée par la DREES (Direction de la recherche, des études et de l’évaluation des statistiques) révèle que 60 % des soignants estiment ne pas avoir assez de temps pour bien s’occuper des résidents. Cette pression constante, associée à un manque de formation, favorise même des situations de maltraitance institutionnelle. Bien qu’elle ne soit pas intentionnelle, cette maltraitance résulte en grande partie d’une surcharge organisationnelle. Les habitants des EHPAD, particulièrement les plus dépendants, se retrouvent pris au piège d’un système qui ne parvient pas à répondre efficacement à leurs besoins fondamentaux.

Le rôle du Conseil de Vie Sociale : un outil à repenser

Le Conseil de Vie Sociale (CVS), introduit par la loi de 2002, est destiné à instaurer un dialogue entre la direction de l’EHPAD, les résidents et leurs familles. Son fonctionnement, bien que largement réglementé, est souvent jugé insuffisant pour répondre aux défis actuels. Les faibles moyens qui lui sont alloués limitent son efficacité, et sa composition pose question face à la dépendance accrue des résidents.

L’un des principaux problèmes réside dans la participation des résidents eux-mêmes. Beaucoup d’entre eux, frappés par des limitations cognitives ou physiques, peinent à exprimer leurs besoins. La représentation des familles, souvent insuffisante, limite également la portée des échanges. Les critiques sur le manque de régularité des réunions et sur l’absence réelle de prise en compte des demandes sont récurrentes.

Pourtant, le CVS a le potentiel d’être un véritable levier de changement. Pour que cela devienne une réalité, les recommandations de la commission EHPAD sont claires :

  • Adapter le CVS à la dépendance croissante des résidents.
  • Permettre une plus grande implication des familles ainsi que des associations.
  • Encourager des initiatives de dialogue plus informelles, en parallèle des cadres légaux actuels.

Ces propositions, loin d’être utopiques, visent à fournir un cadre de concertation permettant d’améliorer les conditions de vie et de prendre des décisions adaptées aux besoins des résidents.

En bref

Les problématiques soulevées au sein des EHPAD sont symptomatiques d’un système en tension, où les moyens humains et financiers peinent à suivre l’augmentation des besoins. Derrière chaque chiffre, ce sont des personnes âgées, souvent vulnérables, qui pâtissent d’un manque d’écoute, d’un rythme de vie imposé et d’un accompagnement inadapté. Le vieillissement de la population rend urgente une réforme structurelle pour garantir à ces résidents une fin de vie digne.

Pour y parvenir, des solutions ambitieuses devront être apportées, qu’il s’agisse du renforcement des effectifs, de l’amélioration de la formation ou du réaménagement des protocoles quotidiens. Les EHPAD doivent être perçus non comme des lieux de passage obligés, mais comme des espaces où l’humain est placé au premier plan. Car, en fin de compte, la dignité des résidents n’a pas de prix.