Le système de financement des EHPAD est à la croisée des chemins. Une réforme majeure se profile à l’horizon avec la fusion envisagée des sections soins et dépendance. Cette évolution soulève de nombreuses questions sur l’avenir du secteur médico-social. Comment garantir un financement adapté aux besoins croissants de la population âgée ? Quels sont les défis à relever pour assurer une prise en charge de qualité ? Plongée au cœur d’un débat crucial pour l’avenir des personnes âgées dépendantes en France.
Sommaire
Une fusion nécessaire mais insuffisante
La fusion des sections soins et dépendance dans les EHPAD apparaît comme une évidence. Actuellement, le financement est divisé de manière artificielle entre l’Assurance Maladie et les départements. Cette séparation crée des incohérences dans la prise en charge des résidents. Par exemple, une aide-soignante en EHPAD n’est pas financée à 100% par l’Assurance Maladie. Pourtant, à l’hôpital, son financement relève entièrement du budget des soins. Cette situation illustre les limites du système actuel.
La fusion permettrait de simplifier la gestion financière des établissements. Tous les professionnels de santé seraient rattachés à une seule section tarifaire. Les négociations budgétaires se feraient avec une autorité unique. Cependant, cette réforme ne résout pas le problème fondamental du sous-financement chronique du secteur. Les besoins en personnel et en équipements continuent d’augmenter. La médicalisation croissante des EHPAD nécessite des moyens supplémentaires.
Le financement actuel ne suit pas l’évolution des besoins des résidents. Les personnes accueillies sont de plus en plus dépendantes et polypathologiques. Malgré cela, l’augmentation annuelle des dotations reste inférieure à celle de l’ONDAM. Cette situation fragilise la qualité de la prise en charge. Une réforme en profondeur du mode de calcul des dotations s’impose. Elle doit prendre en compte des critères médico-économiques objectifs.
Des modalités d’application à préciser
La fusion des sections soulève de nombreuses questions pratiques. Tout d’abord, le périmètre même de la nouvelle section unifiée doit être redéfini. De nombreuses dépenses liées aux soins sont encore imputées à la section hébergement. C’est le cas par exemple des locaux de soins ou du secrétariat médical. Une actualisation du contenu de la section est nécessaire.
La réforme doit également intégrer les nouveaux métiers et technologies. Le financement ne peut plus se limiter au triptyque médecin-infirmier-aide-soignant. Les psychologues, ergothérapeutes et autres professionnels paramédicaux doivent être pris en compte. De même, les innovations numériques et technologiques ont toute leur place dans la prise en charge moderne des résidents. Le nouveau modèle de financement doit s’adapter à ces évolutions.
La généralisation du tarif global est un autre enjeu majeur. Actuellement, les EHPAD peuvent choisir entre tarif partiel et tarif global. Ce dernier est reconnu comme plus efficace, notamment en termes de prévention. Pourtant, l’État a limité les possibilités de passage au tarif global. La fusion des sections pourrait être l’occasion d’une généralisation progressive de ce mode de financement.
Réforme des EHPAD : vers une nouvelle ère d’évaluation et de financement
La tarification des EHPAD en France fait l’objet d’un débat depuis plus de deux décennies. Les outils AGGIR et PATHOS, utilisés depuis les années 90 et 2000, sont régulièrement remis en question. Certains acteurs du secteur plaident pour une refonte complète, tandis que d’autres les jugent imparfaits mais nécessaires.
La fréquence des évaluations pose problème. Actuellement, elles sont réalisées tous les cinq ans en moyenne. Ce délai est trop long pour refléter l’évolution réelle de l’état des résidents. Une évaluation annuelle, voire semestrielle, serait plus pertinente. Cependant, cela nécessiterait une simplification du processus de validation.
La digitalisation du processus d’évaluation apparaît comme une nécessité urgente. En 2024, les méthodes restent largement inchangées depuis 2001. L’utilisation d’outils numériques et de télétransmission pourrait grandement améliorer l’efficacité du système. Le secteur médico-social gagnerait à s’inspirer des pratiques du PMSI dans le domaine sanitaire.
L’outil PATHOS lui-même mérite d’être modernisé. Il ne prend pas suffisamment en compte certaines situations spécifiques, comme les personnes handicapées vieillissantes ou la géronto-psychiatrie. La prévention et les thérapies non médicamenteuses sont également sous-évaluées.
La fusion annoncée des sections soins et dépendance ouvre de nouvelles perspectives. Elle pourrait être l’occasion d’une refonte en profondeur du système d’évaluation. Le Dr Jean-Marie Vetel, créateur de PATHOS, plaide lui-même pour un « New PATHOS » auprès de la CNSA.
Une approche plus globale et moins individualisée semble se dessiner. La majorité des EHPAD accueillent désormais une population aux besoins convergents. Un financement forfaitaire basé sur des critères plus larges pourrait être envisagé. Les établissements devraient alors prouver périodiquement qu’ils accueillent une proportion définie de résidents très dépendants.
Cette nouvelle approche permettrait un gain de temps considérable pour les établissements et les autorités de tutelle. La qualité des soins pourrait être davantage prise en compte, notamment via les certifications de la Haute Autorité de Santé. Le contrôle financier s’effectuerait sur la base d’une bonne affectation des enveloppes, certifiée par un commissaire aux comptes.
Vers une harmonisation territoriale
La réforme du financement doit également s’attaquer aux inégalités territoriales. Les écarts de valeur du point GIR entre départements sont importants. Une harmonisation est nécessaire pour garantir l’équité de traitement sur l’ensemble du territoire. Cependant, cette harmonisation ne peut se faire que par le haut, ce qui soulève la question des moyens financiers.
L’expérimentation prévue en 2025 suscite un fort intérêt des départements. Initialement limitée à 20 départements, elle pourrait être élargie face à la demande. 23 départements se sont déjà portés volontaires. Il serait contre-productif de freiner cet élan. De même, si l’expérimentation s’avère concluante, une généralisation rapide serait souhaitable. Attendre 2028 comme prévu actuellement paraît trop long.
La réforme doit s’accompagner d’une refonte du processus budgétaire. Actuellement, le taux de revalorisation des dotations est fixé tardivement et de manière opaque. Une conférence tarifaire annuelle entre l’État et les fédérations permettrait plus de transparence. Elle définirait les critères de répartition des crédits de l’ONDAM de manière concertée. Cette nouvelle gouvernance renforcerait la confiance entre les acteurs.

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