Comment réduire de 18% vos coûts pharmaceutiques en EHPAD grâce à une pharmacie à usage intérieur

Découvrez comment ouvrir une pharmacie à usage intérieur (PUI) en EHPAD : réglementation, dossier ARS, coûts, formation des équipes et optimisation budgétaire.

L’installation d’une pharmacie à usage intérieur (PUI) en EHPAD représente un tournant stratégique majeur pour de nombreux établissements confrontés à l’augmentation des coûts pharmaceutiques et aux ruptures d’approvisionnement récurrentes. Cette démarche d’internalisation de la gestion médicamenteuse, encadrée strictement par le Code de la santé publique, nécessite un investissement organisationnel, humain et financier considérable. Pourtant, elle offre des leviers de sécurisation inédits pour les résidents et peut améliorer significativement la qualité de la prise en charge pharmaceutique. Directeurs et IDEC doivent maîtriser les enjeux réglementaires, budgétaires et opérationnels de ce projet.


Comprendre le cadre réglementaire de la PUI en EHPAD

Le cadre juridique d’une pharmacie à usage intérieur repose principalement sur les articles L.5126-1 à L.5126-14 et R.5126-1 à R.5126-112 du Code de la santé publique. Une PUI est un établissement pharmaceutique destiné à assurer la gestion, l’approvisionnement, la préparation, le contrôle, la détention et la dispensation des médicaments pour les résidents d’un établissement médico-social.

Contrairement à une officine de ville, la PUI travaille en circuit fermé. Elle ne peut pas vendre au public. Elle répond aux besoins exclusifs de l’établissement qui l’héberge.

Les conditions d’ouverture sont strictes :

  • L’EHPAD doit disposer d’une capacité minimale (généralement fixée à 50 lits en pratique, bien que la règle varie selon les ARS).
  • Le projet doit être autorisé par le directeur général de l’ARS après analyse du dossier d’autorisation.
  • Un pharmacien titulaire à temps plein (ou à temps partiel selon les arrangements) doit être recruté.
  • Les locaux dédiés doivent respecter des normes de surface, de sécurité, de stockage et de circuit sécurisé.

Point clé : L’autorisation d’ouverture d’une PUI peut prendre entre 6 et 18 mois, selon la région et la complétude du dossier. Anticipez ce délai.

Qui peut demander une PUI ?

Seuls les établissements publics de santé, médico-sociaux et sociaux peuvent ouvrir une PUI. Les EHPAD privés à but lucratif sont exclus du dispositif. Cependant, ils peuvent recourir à un pharmacien référent ou mutualiser avec un groupement d’établissements.

Exemple concret : Un EHPAD public de 90 lits en Normandie a initié en 2023 un projet de PUI. Le directeur a constitué un groupe projet associant l’IDEC, le médecin coordonnateur et un pharmacien conseil. Après validation ARS en avril 2024, la PUI a ouvert en janvier 2025. Résultat : -12 % sur les coûts pharmaceutiques en 6 mois grâce à l’optimisation des stocks et la réduction des périmés.


Critère PUI Pharmacien référent
Statut juridique Établissement pharmaceutique Contrat de prestation externe
Capacité minimale ~50 lits Aucune
Pharmacien dédié Oui, recruté Prestataire (officine)
Coûts d’investissement Élevés (locaux, équipements) Faibles
Sécurisation maximale Oui (circuit interne maîtrisé) Moyenne

Conseil pratique : Avant de vous lancer, réalisez une étude de faisabilité avec votre comptable et l’ARS. Évaluez l’impact budgétaire à 3 ans et les gains attendus en sécurisation.


Monter le dossier d’autorisation : étapes et pièges à éviter

Le dossier d’autorisation PUI est le sésame indispensable. Sa qualité conditionne l’accord de l’ARS. Il doit démontrer la pertinence du projet, la conformité des locaux, la solidité du modèle économique et l’organisation pharmaceutique envisagée.

Contenu attendu du dossier

  1. Projet d’établissement et justification : pourquoi une PUI ? Quels besoins actuels non couverts ?
  2. Plans des locaux : surface, agencement, zones de stockage, réception, dispensation, préparation.
  3. Organisation pharmaceutique : circuit du médicament, dispensation nominative, gestion des stupéfiants, traçabilité informatique.
  4. Recrutement du pharmacien : CV, profil, temps de travail, rôle dans l’équipe.
  5. Budget prévisionnel : investissement initial, charges annuelles, économies attendues.
  6. Protocoles et procédures : gestion des erreurs, gestion des ruptures, retours produits, périmés.

Attention : Les ARS exigent souvent une visite de conformité avant autorisation. Tout écart avec les normes (éclairage, ventilation, température) peut entraîner un refus ou un ajournement.

Pièges fréquents :

  • Sous-estimer l’investissement en systèmes informatiques (logiciel de gestion PUI, interfaçage avec le dossier de soins).
  • Ne pas prévoir de plan de continuité en cas d’absence du pharmacien (remplaçant, convention avec une PUI voisine).
  • Oublier la formation des équipes soignantes au nouveau circuit (cf. section suivante).

Exemple terrain

Un EHPAD de 120 lits en Bretagne a vu son dossier refusé une première fois en 2023 pour non-conformité des locaux (surface insuffisante et absence de sas de réception). Après restructuration, le dossier a été déposé à nouveau en juin 2024 et validé en octobre 2024. Coût total du retard : 18 mois et 35 000 € de travaux supplémentaires.

Conseil immédiatement applicable : Constituez une équipe projet pluridisciplinaire (direction, IDEC, médecin coordonnateur, comptable) dès la phase d’étude. Planifiez un rétro-planning précis avec jalons mensuels.


Former le personnel et organiser la gestion pharmaceutique internalisée

L’ouverture d’une PUI transforme radicalement le circuit du médicament en EHPAD. Les soignants doivent s’adapter à de nouvelles pratiques : dispensation nominative, retours médicaments, gestion informatisée, respect strict des protocoles.

Formation des équipes : un enjeu de sécurité

Le pharmacien référent ou titulaire de la PUI doit former l’ensemble du personnel soignant aux nouvelles procédures. Les thématiques prioritaires incluent :

  • La prescription informatisée et le rôle du logiciel de gestion PUI.
  • Le stockage sécurisé des médicaments (armoires fermées, respect des températures, stupéfiants).
  • Les retours de médicaments non utilisés pour éviter les périmés.
  • La traçabilité complète : chaque administration doit être enregistrée dans le dossier de soins.
  • La prévention des erreurs médicamenteuses (confusion, surdosage, oublis).

Chiffre clé : Selon la Haute Autorité de Santé, environ 40 % des événements indésirables médicamenteux en établissement sont évitables par une meilleure organisation et formation des équipes.

Bonnes pratiques de formation :

  • Organiser des sessions de 2 heures par groupe de 10-12 soignants.
  • Utiliser des supports visuels (diaporamas, vidéos, mises en situation).
  • Prévoir des formations de rappel semestrielles.
  • Intégrer la sécurisation du circuit du médicament dans le plan de formation annuel.

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Organisation de la dispensation et gestion des stocks

La PUI permet de passer d’une dotation globale à une dispensation nominative. Chaque résident dispose d’une ordonnance sécurisée, les médicaments sont préparés en piluliers individuels hebdomadaires ou bi-hebdomadaires.

Étapes de la dispensation :

  1. Prescription médicale validée par le médecin coordonnateur ou traitant.
  2. Analyse pharmaceutique par le pharmacien PUI (interactions, posologies, contre-indications).
  3. Préparation des doses à administrer (piluliers, sachets, unidoses).
  4. Livraison sécurisée aux unités de soins.
  5. Administration par l’IDE ou AS avec traçabilité immédiate.
  6. Retour des médicaments non utilisés pour réintégration en stock.

Conseil opérationnel : Mettez en place un tableau de bord mensuel avec indicateurs : taux de ruptures, taux de périmés, nombre d’erreurs détectées, coût moyen par résident. Présentez-le en réunion qualité.

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Maîtriser les coûts pharmaceutiques et anticiper les ruptures d’approvisionnement

L’un des principaux arguments en faveur d’une PUI est la réduction des coûts pharmaceutiques. Mais ce gain ne va pas de soi. Il nécessite une gestion rigoureuse, une analyse fine des prescriptions et une anticipation des ruptures.

Leviers d’optimisation budgétaire

1. Réduction des périmés

En pharmacie d’officine classique, les EHPAD reçoivent souvent des boîtes entières. Une part importante finit périmée. Avec une PUI, le pharmacien ajuste au plus près les quantités.

2. Généralisation des génériques et biosimilaires

Le pharmacien PUI peut proposer systématiquement des alternatives moins coûteuses après validation médicale.

3. Analyse pharmaceutique des ordonnances

Le pharmacien détecte les prescriptions inadaptées, les doublons, les interactions. Il propose des ajustements au médecin coordonnateur.

4. Négociation directe avec les grossistes

Les PUI peuvent négocier des tarifs préférentiels sur les volumes achetés.

Exemple : Un EHPAD de 85 lits en Auvergne a réduit son budget médicaments de 18 % la première année après ouverture de sa PUI, passant de 210 000 € à 172 000 € annuels.


Anticiper les ruptures d’approvisionnement

Les ruptures de médicaments sont devenues un problème récurrent. En décembre 2025, l’ANSM recense plus de 3 700 références en tension.

Stratégies PUI pour limiter l’impact :

  • Constituer un stock de sécurité sur les molécules critiques (antibiotiques, anti-hypertenseurs, antidiabétiques).
  • Travailler avec plusieurs grossistes pour diversifier les sources.
  • Mettre en place une veille pharmaceutique hebdomadaire (alertes ANSM, DP-Ruptures).
  • Former les médecins à la prescription de substituts thérapeutiques.

Question fréquente : Que faire en cas de rupture d’un médicament vital ?
Réponse : Le pharmacien PUI contacte immédiatement l’ANSM, les autres PUI du territoire et les laboratoires. Il propose au médecin une alternative thérapeutique validée scientifiquement. En dernier recours, il peut importer le médicament depuis un autre pays européen via une ATU nominative.

Conseil pratique : Organisez une réunion mensuelle entre le pharmacien PUI, l’IDEC et le médecin coordonnateur pour anticiper les besoins et ajuster les protocoles.


Indicateur Avant PUI Après PUI (année 1)
Coût annuel médicaments (85 lits) 210 000 € 172 000 €
Taux de périmés 12 % 3 %
Nombre de ruptures/mois 8 2
Erreurs médicamenteuses détectées Non suivi 15/mois en moyenne

Les alternatives et complémentarités : PUI mutualisée et pharmacien référent

Tous les EHPAD ne peuvent pas ouvrir une PUI. Les contraintes de taille, de statut ou de budget orientent vers d’autres solutions : pharmacien référent ou PUI mutualisée.

Le pharmacien référent : pour qui et pourquoi ?

Le pharmacien référent est une alternative plus légère. Il intervient sur la base d’une convention de prestations avec l’EHPAD. Ses missions :

  • Analyse pharmaceutique des prescriptions.
  • Conseils sur le circuit du médicament et la gestion des stocks.
  • Formation des équipes.
  • Participation aux démarches qualité.

Avantages :

  • Coût réduit (pas d’investissement lourd).
  • Mise en place rapide (pas d’autorisation ARS).
  • Adaptable aux petits établissements (< 50 lits).

Limites :

  • Pas de dispensation interne.
  • Moins de contrôle sur les coûts.
  • Dépendance à l’officine partenaire.

Exemple : Un EHPAD privé de 42 lits en Occitanie a noué un partenariat avec une officine voisine. Le pharmacien référent intervient 4 heures/semaine. Coût annuel : 12 000 €. Gain en sécurité notable mais pas de baisse significative des coûts.


La PUI mutualisée : une solution d’avenir

Plusieurs EHPAD peuvent se regrouper pour créer une PUI mutualisée. Cette formule est encouragée par les pouvoirs publics et les ARS.

Avantages :

  • Mutualisation des investissements et des compétences.
  • Économies d’échelle sur les achats.
  • Pharmacien à temps plein partagé.
  • Sécurisation optimale.

Inconvénients :

  • Coordination complexe entre établissements.
  • Nécessité d’un porteur de projet solide (GHT, groupement de coopération).
  • Logistique de livraison plus lourde.

Exemple : Trois EHPAD publics en Île-de-France (70, 65 et 55 lits) ont créé une PUI mutualisée en 2024. Budget partagé : 180 000 € d’investissement initial, économie consolidée de 22 % sur les achats pharmaceutiques la première année.

Bon à savoir : Les ARS privilégient désormais les projets mutualisés dans leurs appels à projets régionaux. Renseignez-vous auprès de votre délégation territoriale.

Conseil actionnable : Si vous êtes un petit établissement, rapprochez-vous des EHPAD voisins et de votre ARS pour explorer la piste de mutualisation dès 2025.


FAQ complémentaire

Un EHPAD privé commercial peut-il ouvrir une PUI ?
Non. Seuls les établissements publics et privés à but non lucratif peuvent créer une PUI. Les EHPAD commerciaux doivent recourir au pharmacien référent ou mutualiser avec d’autres structures.

Combien coûte l’ouverture d’une PUI ?
L’investissement initial varie entre 80 000 € et 200 000 € selon la taille et les travaux nécessaires (locaux, équipements, logiciels, formation). Les charges annuelles de fonctionnement incluent le salaire du pharmacien (45 000 € à 60 000 € brut annuel), les achats, l’entretien.

Quelle est la durée de validité de l’autorisation ARS ?
L’autorisation est accordée sans limitation de durée, sous réserve de conformité continue. L’ARS peut réaliser des inspections inopinées. Toute modification substantielle (locaux, pharmacien) doit être déclarée.


Passer à l’action : transformer la gestion pharmaceutique en levier stratégique

Créer ou rejoindre une PUI en EHPAD n’est pas qu’une question de conformité réglementaire. C’est une opportunité de transformation profonde de la prise en charge médicamenteuse : plus de sécurité, moins de gaspillage, meilleure maîtrise des coûts et renforcement de la culture qualité.

Les retours d’expérience sont éloquents. Les établissements qui ont franchi le pas constatent des gains mesurables en 12 à 18 mois. Mais le succès repose sur une préparation rigoureuse, un portage politique fort de la direction et une mobilisation de toute l’équipe.

Checklist des 5 actions prioritaires pour démarrer :

  • Réaliser une étude de faisabilité avec votre ARS et votre expert-comptable.
  • Constituer un groupe projet pluridisciplinaire (direction, IDEC, médecin coordonnateur, pharmacien conseil).
  • Préparer un dossier d’autorisation complet en anticipant les visites de conformité.
  • Intégrer la formation des équipes dès la phase projet, avec des supports adaptés et réutilisables.
  • Définir des indicateurs de suivi (coûts, ruptures, périmés, erreurs) et planifier un bilan trimestriel.

Pour les directeurs et IDEC qui souhaitent aller plus loin dans la structuration de leur organisation, le guide SOS IDEC et SOS Directeurs EHPAD proposent des méthodes concrètes et des outils de pilotage éprouvés sur le terrain.

La mise en place d’une PUI est un projet ambitieux, mais il s’inscrit pleinement dans la dynamique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins en EHPAD. En ces temps de tensions budgétaires et sanitaires, reprendre la main sur la gestion pharmaceutique devient un acte managérial majeur.

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