La qualité de vie au travail en EHPAD : un enjeu majeur pour fidéliser les salariés

Dans un contexte de pénurie de personnel et de difficultés de recrutement, améliorer la qualité de vie au travail des salariés en EHPAD est devenu une priorité absolue. Face aux conditions de travail difficiles et à la faible attractivité du secteur, de nombreuses initiatives émergent pour répondre aux aspirations des professionnels et favoriser leur bien-être.…

Dans un contexte de pénurie de personnel et de difficultés de recrutement, améliorer la qualité de vie au travail des salariés en EHPAD est devenu une priorité absolue. Face aux conditions de travail difficiles et à la faible attractivité du secteur, de nombreuses initiatives émergent pour répondre aux aspirations des professionnels et favoriser leur bien-être. Cet article analyse les principaux leviers d’action et les démarches innovantes mises en place pour fidéliser les équipes et renforcer l’attractivité des métiers en EHPAD.

La revalorisation salariale : une attente forte mais des avancées insuffisantes

La revalorisation des salaires apparaît comme le premier levier pour améliorer l’attractivité du secteur et fidéliser les salariés. Selon une enquête de la DREES publiée en 2022, le salaire mensuel net moyen d’un aide-soignant en EHPAD s’élève à seulement 1 800 euros. Ce niveau de rémunération est jugé insuffisant au regard des responsabilités et de la pénibilité du travail.

La mise en œuvre du Ségur de la santé en 2020 a permis une revalorisation de 183 euros nets mensuels pour les personnels soignants. Toutefois, de nombreux acteurs estiment que cet effort reste insuffisant. La Fédération des Services à la Personne et de Proximité (Fédésap) demandait ainsi une hausse de 15% des salaires dans le secteur privé.

Malgré ces attentes, le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2023 n’a pas apporté d’avancées significatives sur ce point. Les syndicats dénoncent un manque d’ambition. Pour Thierry Amouroux, porte-parole du syndicat national des professionnels infirmiers, « sans revalorisation conséquente, la fuite des soignants va se poursuivre ».

Face à ce constat, certains établissements prennent des initiatives. Le groupe Korian a ainsi annoncé en 2022 une enveloppe de 67 millions d’euros pour revaloriser les salaires. D’autres misent sur des primes d’intéressement ou de participation pour compléter les rémunérations.

Améliorer les conditions de travail : des démarches innovantes

Au-delà du salaire, l’amélioration des conditions de travail est un enjeu crucial pour fidéliser les équipes. De nombreux EHPAD mettent en place des démarches de Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT).

Le groupement SEPIA 41 a par exemple créé une équipe dédiée, composée d’un ergonome et d’une psychologue du travail. Cette cellule réalise des diagnostics indépendants et propose des solutions concrètes. Le Groupe SOS déploie quant à lui un escape game pour sensibiliser aux troubles musculo-squelettiques.

Ces initiatives portent leurs fruits. Chez DomusVi, le dispositif « Le Soin d’autonomie » a permis de réduire le nombre moyen d’accidents du travail de 8 en 2019 à 5,5 en 2021. Caroline Lemerle, chargée de mission, souligne que cette démarche « concilie bienveillance envers les résidents et les collaborateurs ».

D’autres établissements misent sur l’innovation technologique. Le groupe Orpea expérimente ainsi des exosquelettes pour réduire la pénibilité lors des transferts de résidents. L’EHPAD Les Parentèles à Reims a installé des rails de transfert au plafond dans toutes les chambres.

Ces initiatives visent à réduire la charge physique et mentale des soignants. Elles répondent à une attente forte, 78% des aides-soignants jugeant leurs conditions de travail difficiles selon un sondage OpinionWay de 2022.

Soutenir et accompagner les équipes : des dispositifs innovants

Face à la charge émotionnelle du travail en EHPAD, le soutien psychologique des équipes est essentiel. De nombreux établissements mettent en place des cellules d’écoute et d’accompagnement.

Le groupe Colisée a ainsi créé des « espaces de parole » animés par des psychologues. Ces temps d’échange permettent aux soignants d’exprimer leurs difficultés. Le groupe ACPPA propose quant à lui des séances de sophrologie et de relaxation sur le lieu de travail.

D’autres misent sur le mentorat. L’EHPAD La Roselière à Kunheim (Haut-Rhin) a mis en place un système de parrainage pour les nouveaux arrivants. Chaque recrue est accompagnée pendant 6 mois par un « tuteur » expérimenté.

Ces dispositifs visent à prévenir l’épuisement professionnel et à favoriser l’intégration des nouveaux salariés. Ils répondent à un besoin réel, 41% des soignants en EHPAD déclarant avoir déjà songé à quitter leur emploi selon une étude de la DREES.

Certains établissements vont plus loin en proposant des services pour faciliter la vie quotidienne de leurs salariés. Le groupe Korian a ainsi noué un partenariat avec une conciergerie d’entreprise. Les salariés peuvent bénéficier de services comme le pressing ou la livraison de courses sur leur lieu de travail.

Vers plus de flexibilité dans l’organisation du travail

L’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est une préoccupation majeure des salariés en EHPAD. Pour y répondre, de nouvelles formes d’organisation du travail émergent.

Le groupe DomusVi expérimente ainsi les horaires en 12h dans certains établissements. Ce système permet de réduire le nombre de jours travaillés et offre plus de temps de récupération. L’EHPAD Les Magnolias à Loos (Nord) propose quant à lui des contrats à temps partiel annualisé, permettant aux salariés de moduler leur temps de travail sur l’année.

D’autres établissements misent sur l’auto-planification. À l’EHPAD La Compassion à Beauvais (Oise), les équipes gèrent elles-mêmes leurs plannings via une application dédiée. Cette autonomie est très appréciée des salariés.

Ces initiatives répondent à une forte attente de flexibilité, en particulier chez les jeunes générations. Selon une enquête Ifop de 2022, 68% des moins de 35 ans considèrent l’équilibre vie pro/vie perso comme un critère essentiel dans le choix d’un emploi.

Cependant, la mise en place de ces nouveaux modes d’organisation se heurte parfois à un cadre réglementaire rigide. Claude Montuy-Coquard, directrice de la filière médico-sociale chez Aesio Santé, plaide pour « un nouveau mode de régulation entre la loi et la négociation collective » afin de gagner en souplesse.

L’amélioration de la qualité de vie au travail en EHPAD est un défi complexe qui nécessite d’agir sur de multiples leviers. Si des initiatives prometteuses émergent, elles doivent s’inscrire dans une stratégie globale et bénéficier d’un soutien fort des pouvoirs publics. C’est à cette condition que le secteur pourra retrouver son attractivité et offrir des perspectives d’épanouissement aux équipes dans les ehpad.