En EHPAD, près d’un résident sur cinq est aujourd’hui porteur d’au moins une sonde. Qu’il s’agisse de sondes urinaires, gastriques ou de gastrostomie, ces dispositifs médicaux exigent des soins techniques rigoureux et une surveillance infectieuse constante. Les infections associées aux sondes représentent 25 à 40 % des infections nosocomiales en établissement, avec des conséquences lourdes : inconfort, hospitalisation, voire complications graves. Pour les équipes soignantes, maîtriser les protocoles de soins et prévenir les risques infectieux constitue un enjeu majeur de qualité et de sécurité des soins.
Sommaire
- Typologie des sondes en EHPAD et spécificités de chaque dispositif
- Protocoles de soins techniques : de la pose à la surveillance quotidienne
- Prévention des infections : protocoles d’hygiène et surveillance ciblée
- Prévention des obstructions et complications mécaniques
- Vers une culture de sécurité renforcée autour des soins de sondes
- Mini-FAQ : vos questions pratiques sur les soins de sondes en EHPAD
Typologie des sondes en EHPAD et spécificités de chaque dispositif
Les sondes utilisées en EHPAD répondent à des besoins variés : nutrition, drainage urinaire, oxygénothérapie. Chaque type impose des techniques de manipulation et des risques spécifiques qu’il convient d’identifier clairement.
Les sondes urinaires à demeure
La sonde vésicale est le dispositif le plus fréquent. Elle est posée pour rétention urinaire chronique, incontinence sévère avec lésions cutanées ou en fin de vie pour améliorer le confort. Le risque principal : l’infection urinaire nosocomiale, qui survient dans 20 à 30 % des cas après 7 jours de sondage selon les données de Santé publique France.
Les bonnes pratiques incluent :
- Maintenir un système clos en permanence
- Vider la poche collectrice toutes les 8 heures sans jamais la déconnecter
- Positionner la poche en dessous du niveau de la vessie
- Effectuer une hygiène périnéale quotidienne à l’eau et au savon doux
- Surveiller l’aspect, la couleur et l’odeur des urines
- Renouveler la sonde selon prescription médicale (généralement tous les 30 jours)
Les sondes gastriques et de gastrostomie
La sonde nasogastrique (SNG) est posée temporairement pour alimentation entérale ou drainage gastrique. La sonde de gastrostomie (GPE) offre une solution pérenne lorsque la nutrition orale est impossible. Ces dispositifs exposent à des risques d’obstruction, de déplacement, d’infection du site de stomie et d’inhalation.
Un exemple concret : dans un EHPAD de Loire-Atlantique, l’équipe a réduit de 40 % les obstructions de sondes en instaurant un rinçage systématique à l’eau tiède avant et après chaque administration de médicament broyé.
Les points de vigilance quotidiens :
- Vérifier le positionnement de la sonde avant chaque utilisation
- Rincer la sonde avec 30 à 50 ml d’eau après chaque repas
- Surveiller l’état cutané péristomial (rougeur, écoulement, bourgeon)
- Maintenir la peau propre et sèche autour de la stomie
- Éviter la traction sur le dispositif lors des soins d’hygiène
Autres dispositifs fréquents
Les cathéters veineux périphériques de longue durée, les sondes d’oxygénothérapie nasale ou les dispositifs de trachéotomie nécessitent également une surveillance spécifique. Chaque sonde impose son propre protocole, mais tous partagent un impératif commun : l’hygiène des mains avant et après chaque manipulation.
Règle clé : Toute manipulation d’une sonde doit respecter le principe d’asepsie stricte. Un défaut d’hygiène des mains est impliqué dans 60 % des infections associées aux soins.
Conseil opérationnel immédiat : Créez une fiche synthétique par type de sonde, format A4 plastifié, affichée dans les salles de soins. Elle doit préciser la fréquence de changement, les gestes clés et les signes d’alerte à transmettre à l’IDEC.
Protocoles de soins techniques : de la pose à la surveillance quotidienne
La sécurisation des soins de sondes passe par des protocoles écrits, validés par le médecin coordonnateur, et connus de tous les membres de l’équipe soignante.
Pose et renouvellement : une compétence infirmière stricte
En EHPAD, seuls les infirmiers diplômés d’État sont habilités à poser, changer ou retirer une sonde urinaire ou gastrique. La pose nécessite un environnement propre, du matériel stérile et le respect strict des étapes d’asepsie.
Étapes clés pour la pose d’une sonde vésicale :
- Préparer le matériel (sonde, poche collectrice, compresses stériles, antiseptique, lubrifiant)
- Réaliser une friction hydro-alcoolique des mains
- Installer le résident confortablement, respecter son intimité
- Effectuer une toilette génito-urinaire antiseptique
- Insérer la sonde en technique stérile
- Gonfler le ballonnet avec le volume prescrit
- Vérifier l’écoulement des urines
- Fixer la sonde sans traction sur le périnée
- Tracer la pose dans le dossier de soins
Soins quotidiens : rôle de l’aide-soignant sous supervision
L’aide-soignant intervient dans les soins d’hygiène et la surveillance quotidienne, toujours sous la responsabilité et selon les protocoles définis par l’infirmier. Il observe, alerte et ne manipule jamais le système clos d’une sonde urinaire.
Tableau comparatif des rôles :
| Action | Infirmier | Aide-soignant |
|---|---|---|
| Pose/retrait de sonde | Oui | Non |
| Hygiène périnéale avec sonde en place | Oui | Oui (selon protocole) |
| Vidange de la poche collectrice | Oui | Oui (formation requise) |
| Administration de nutrition entérale | Oui | Non |
| Rinçage de la sonde gastrique | Oui | Non |
| Surveillance des signes infectieux | Oui | Oui (transmission) |
Traçabilité et transmission : pilier de la continuité
Chaque soin doit être tracé dans le dossier informatisé du résident. Les éléments indispensables incluent :
- Date et heure du soin
- Type de sonde et référence
- Aspect des sécrétions (urines, sécrétions gastriques)
- État cutané péristomial ou périurétral
- Incidents techniques (obstruction, fuite)
- Signes infectieux observés
Un outil pratique : intégrer dans votre logiciel de soins un tableau de surveillance des sondes pré-rempli avec des cases à cocher. Cela facilite le suivi et évite les oublis.
Question fréquente : Qui peut administrer la nutrition entérale par sonde de gastrostomie ?
Uniquement l’infirmier. L’administration de nutrition entérale relève du rôle propre infirmier (article R. 4311-5 du Code de la santé publique). L’aide-soignant peut installer le résident, mais ne peut brancher ni régler le débit.
Conseil opérationnel immédiat : Organisez chaque trimestre une formation flash de 30 minutes sur les gestes techniques des sondes, en simulation avec mannequin. Filmez les étapes clés pour créer une vidéothèque interne consultable par les nouveaux arrivants.
Prévention des infections : protocoles d’hygiène et surveillance ciblée
Les infections associées aux sondes sont évitables dans 50 à 70 % des cas par le respect strict des mesures d’hygiène. L’enjeu : protéger les résidents fragiles, souvent poly-pathologiques et immunodéprimés.
Hygiène des mains : geste barrière numéro un
La friction hydro-alcoolique (FHA) reste la mesure préventive la plus efficace. Elle doit être réalisée :
- Avant tout soin
- Après tout soin
- Après tout contact avec l’environnement du résident
- Après retrait des gants
Un audit réalisé par un réseau de préventionnistes en 2024 révèle que l’observance de l’hygiène des mains en EHPAD stagne autour de 55 %, bien en deçà de l’objectif de 80 % fixé par la HAS. Des marges de progrès existent.
Signes d’alerte infectieux à surveiller quotidiennement
L’équipe soignante doit être formée à repérer précocement les signes d’infection.
Pour une sonde urinaire :
- Urines troubles, malodorantes ou hématuriques
- Fièvre > 38°C
- Douleurs pelviennes ou hypogastriques
- Confusion ou agitation soudaine (signe atypique chez la personne âgée)
Pour une sonde gastrique ou de gastrostomie :
- Rougeur, chaleur, œdème ou écoulement purulent au site de stomie
- Fièvre inexpliquée
- Douleurs abdominales
- Vomissements ou résidus gastriques abondants
Chiffre clé : 30 % des résidents porteurs de sonde urinaire développent une bactériurie asymptomatique. Seule une minorité nécessite un traitement antibiotique. La prescription doit toujours reposer sur des signes cliniques, jamais sur un ECBU systématique.
Protocole de surveillance infectieuse
Mettez en place une fiche de surveillance hebdomadaire comprenant :
- Température quotidienne
- Aspect des urines/sécrétions
- État cutané péristomial
- Apparition de signes fonctionnels
Dès qu’un signe d’alerte apparaît, l’infirmier informe le médecin coordonnateur qui décide de la conduite à tenir : prélèvement bactériologique, consultation spécialisée, modification du soin.
Antibioprophylaxie et juste usage des antibiotiques
L’antibiothérapie systématique n’est pas recommandée. Elle favorise l’émergence de bactéries multi-résistantes (BMR). En EHPAD, 35 % des résidents sont colonisés par au moins une BMR selon les données du réseau Resclin.
Les recommandations actuelles :
- Pas d’antibiotique sur une bactériurie asymptomatique
- Traitement uniquement en cas d’infection cliniquement documentée
- Prélèvement bactériologique avant toute prescription
- Durée de traitement courte (5 à 7 jours selon l’infection)
Un exemple parlant : un EHPAD du Vaucluse a réduit de 30 % sa consommation d’antibiotiques en instaurant une concertation systématique IDEC-médecin coordonnateur avant toute prescription sur sonde.
Question fréquente : Faut-il changer systématiquement la sonde urinaire en cas d’infection ?
Non, sauf si la sonde est obstruée, incrustée ou en place depuis plus de 30 jours. Le changement systématique n’améliore pas le pronostic et augmente le risque traumatique.
Conseil opérationnel immédiat : Intégrez dans votre tableau de bord qualité un indicateur mensuel d’infections sur sonde (nombre d’infections / nombre de résidents porteurs). Fixez-vous un objectif de réduction annuel et communiquez les résultats en réunion d’équipe.
Prévention des obstructions et complications mécaniques
Au-delà des infections, les complications mécaniques (obstruction, arrachage, fuite) perturbent le quotidien des résidents et mobilisent l’équipe. Elles sont souvent évitables par des gestes simples.
Obstruction des sondes : causes et solutions
L’obstruction concerne surtout les sondes gastriques et de gastrostomie. Les causes principales :
- Administration de médicaments broyés sans rinçage suffisant
- Nutrition entérale trop épaisse
- Temps de pause prolongé sans rinçage
- Sonde de petit calibre inadaptée
Protocole anti-obstruction :
- Rincer la sonde avec 30 ml d’eau tiède avant toute administration
- Administrer les médicaments un par un, jamais en mélange
- Rincer entre chaque médicament avec 10 ml d’eau
- Rincer avec 50 ml d’eau après le dernier médicament ou le repas
- En cas de début d’obstruction, rincer à la seringue de 50 ml avec de l’eau tiède, par petites pressions (jamais de force brutale)
Si l’obstruction persiste, contacter immédiatement l’infirmier coordinateur. Ne jamais utiliser de déboucheur chimique ou de tige rigide, risque de perforation.
Arrachage accidentel : prévention et conduite à tenir
L’arrachage accidentel survient lors des soins d’hygiène, de l’habillage, ou par geste involontaire du résident désorienté. Pour le prévenir :
- Fixer solidement la sonde sans traction
- Utiliser des vêtements larges et faciles d’accès
- Surveiller les résidents agités ou confus
- Protéger la sonde sous un vêtement ou un filet tubulaire si nécessaire
En cas d’arrachage d’une sonde de gastrostomie, la stomie peut se refermer en moins de 6 heures. Il s’agit d’une urgence :
- Prévenir immédiatement l’infirmier et le médecin coordonnateur
- Ne pas réinsérer la sonde soi-même
- Protéger la stomie avec une compresse stérile
- Organiser un transfert rapide vers les urgences si nécessaire
Inconfort et qualité de vie : ne pas l’oublier
Au-delà de la technicité, les sondes impactent le confort et l’image de soi des résidents. Certains expriment une gêne, une douleur ou une anxiété. L’équipe doit rester attentive aux dimensions psychologiques et relationnelles.
Bonnes pratiques pour humaniser les soins de sondes :
- Expliquer chaque geste, même auprès de résidents peu communicants
- Respecter l’intimité lors des soins
- Favoriser la participation du résident dans les décisions (horaire de vidange, position…)
- Encourager l’autonomie quand c’est possible (par exemple, un résident lucide peut apprendre à rincer sa sonde de gastrostomie sous supervision)
- Proposer un accompagnement psychologique si le résident exprime une souffrance liée au dispositif
Question fréquente : Peut-on retirer temporairement une sonde de gastrostomie pour le bain ?
Non. La sonde de gastrostomie reste en place en permanence. Le résident peut prendre une douche ou un bain avec la sonde, en protégeant le site avec un film transparent imperméable si nécessaire. Consultez toujours le protocole médical.
Conseil opérationnel immédiat : Créez un kit d’urgence sondes dans chaque unité de soins, contenant : sondes de rechange de différents calibres, seringues de rinçage, compresses stériles, antiseptique, ruban adhésif hypoallergénique. Vérifiez-le mensuellement.
Vers une culture de sécurité renforcée autour des soins de sondes
La gestion des sondes en EHPAD ne se limite pas à l’exécution de gestes techniques. Elle exige une culture collective de sécurité, portée par l’encadrement et partagée par l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire.
Formation continue : clé de la compétence
Les recommandations évoluent, les pratiques aussi. Une formation annuelle sur les soins de sondes est indispensable pour l’ensemble des soignants, infirmiers comme aides-soignants. Elle peut prendre plusieurs formes :
- Session théorique de rappel des protocoles
- Atelier pratique sur mannequin
- Analyse de cas cliniques réels rencontrés dans l’établissement
- Retour d’expérience après un événement indésirable
Un exemple inspirant : un EHPAD des Hauts-de-France a mis en place des binômes tuteurs sondes, où un infirmier référent accompagne chaque nouvel arrivant pendant un mois sur tous les gestes techniques.
Audit et évaluation des pratiques professionnelles (EPP)
Évaluer régulièrement ses pratiques permet d’identifier les points d’amélioration. Une grille d’audit simple peut être utilisée une fois par trimestre :
| Critère évalué | Conforme | Non conforme | Actions correctives |
|---|---|---|---|
| Hygiène des mains avant/après soin | |||
| Traçabilité du soin dans le dossier | |||
| Respect du système clos (sonde urinaire) | |||
| Rinçage de la sonde gastrique après chaque utilisation | |||
| Surveillance quotidienne des signes infectieux | |||
| Disponibilité du matériel de rechange |
Les résultats doivent être partagés en réunion d’équipe, sans jugement, dans une logique d’amélioration continue.
Coordination médecin-IDEC-équipe : un trio gagnant
La réévaluation régulière de l’indication de chaque sonde est essentielle. Certaines sondes urinaires, posées en phase aiguë, peuvent être retirées après résolution du problème. Chaque maintien de sonde doit être justifié médicalement.
Le médecin coordonnateur, l’IDEC et l’équipe doivent se réunir au moins une fois par mois pour :
- Réviser la liste des résidents porteurs de sondes
- Évaluer la possibilité de retrait ou de passage à une alternative moins invasive
- Analyser les incidents ou infections survenus
- Adapter les protocoles si besoin
Implication des familles et des résidents
Les familles sont parfois démunies face aux dispositifs médicaux. Les informer, les rassurer et les associer favorise l’adhésion et la vigilance partagée. Un livret d’information simple, remis à la famille lors de la pose d’une sonde, peut expliquer :
- Le rôle de la sonde
- Les soins réalisés quotidiennement
- Les signes d’alerte à signaler
- Les gestes à éviter (ne pas tirer sur la sonde, ne pas manipuler la poche…)
Un résident lucide et autonome peut également être formé à certains gestes (rinçage de sa sonde de gastrostomie par exemple), sous supervision infirmière. Cela renforce son autonomie et son estime de soi.
Conseil opérationnel immédiat : Organisez une journée thématique annuelle « Soins de sondes » dans votre établissement, avec ateliers pratiques, quiz, retours d’expérience et remise de supports pédagogiques actualisés. Impliquez le médecin coordonnateur et l’équipe d’hygiène. Cela crée une dynamique collective positive et valorise les compétences.
Mini-FAQ : vos questions pratiques sur les soins de sondes en EHPAD
Combien de temps peut-on garder une sonde urinaire en place ?
La durée recommandée est de 30 jours maximum pour une sonde en latex siliconé, jusqu’à 90 jours pour une sonde 100 % silicone. Au-delà, le risque d’incrustation et d’infection augmente significativement. Le renouvellement doit être tracé et planifié.
Que faire si un résident arrache sa sonde urinaire ?
Restez calme, rassurez le résident. Vérifiez l’absence de saignement important. Réalisez une toilette antiseptique. Contactez immédiatement l’infirmier et le médecin coordonnateur. Ne reposez jamais une sonde sans prescription médicale et évaluation préalable de l’indication.
Peut-on utiliser de l’eau du robinet pour rincer une sonde gastrique ?
Oui, en France, l’eau du robinet est potable et peut être utilisée pour le rinçage des sondes gastriques et de gastrostomie. Utilisez de l’eau à température ambiante ou légèrement tiède. Si le résident est immunodéprimé sévère, le médecin peut prescrire de l’eau stérile.

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