Dans de nombreux EHPAD, les salles d’activités demeurent sous-exploitées, faute d’organisation structurée et d’aménagements adaptés. Pourtant, ces espaces constituent un levier majeur pour améliorer la qualité de vie des résidents, favoriser le lien social et stimuler l’autonomie. Optimiser leur utilisation nécessite une approche combinant planification rigoureuse, modularité des aménagements et gestion fonctionnelle du matériel. Cet article propose des solutions concrètes et applicables pour transformer ces lieux en véritables hubs d’animation, au service du projet de vie des résidents et de l’efficacité des équipes.
Sommaire
- Diagnostic et enjeux : pourquoi les salles d’activités sont-elles sous-utilisées ?
- Mettre en place un planning d’occupation optimisé et partagé
- Aménagements modulables : flexibilité et conformité aux normes
- Gestion du matériel d’animation : inventaire et rangements fonctionnels
- Vers une culture de l’optimisation partagée
- FAQ : Optimisation des salles d’activités
Diagnostic et enjeux : pourquoi les salles d’activités sont-elles sous-utilisées ?
La sous-utilisation des salles d’activités représente un paradoxe fréquent en établissement médico-social. Alors que les projets d’établissement mettent en avant l’animation et la vie sociale, les espaces dédiés restent parfois vides plusieurs heures par jour, voire plusieurs jours par semaine.
Les causes principales identifiées sur le terrain
Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. Le manque de coordination entre les équipes soignantes, d’animation et d’hébergement génère des créneaux vacants non anticipés. Les animateurs ne disposent pas toujours d’une vision globale des disponibilités, tandis que les aides-soignants ignorent parfois les plannings d’activités.
L’absence de système de réservation centralisé complique la situation. Certaines salles sont mobilisées par habitude pour une seule activité, alors qu’elles pourraient accueillir d’autres animations. Par ailleurs, le matériel dispersé ou difficile d’accès décourage les initiatives spontanées.
Les aménagements figés constituent également un frein. Une salle configurée en permanence pour un atelier peinture ne peut accueillir une séance de gymnastique douce sans réorganisation lourde.
Selon une étude de 2024 menée auprès de 120 EHPAD français, 43 % des établissements reconnaissent un taux d’occupation inférieur à 60 % pour leurs salles d’activités en semaine.
Impact sur la qualité de vie et les indicateurs d’établissement
Cette sous-utilisation affecte directement l’engagement des résidents. Moins d’activités proposées signifie moins de stimulation cognitive, sensorielle et sociale. Les résidents isolés en chambre bénéficient de moins d’opportunités de socialisation.
Sur le plan organisationnel, cela représente un gaspillage de ressources : espaces non valorisés, investissements matériels dormants, temps de personnel sous-exploité. Les évaluations externes scrutent désormais l’effectivité des projets d’animation et l’usage des locaux collectifs.
Conseil pratique : Réalisez un audit d’occupation sur deux semaines types. Notez pour chaque salle : plages horaires utilisées, nombre de participants, type d’activité, et raisons des créneaux vides. Ce diagnostic factuel permet d’identifier les leviers d’optimisation prioritaires.
Mettre en place un planning d’occupation optimisé et partagé
L’optimisation commence par une gestion rigoureuse des réservations et une communication fluide entre services. Un planning centralisé constitue la colonne vertébrale de cette organisation.
Outils de planification adaptés aux EHPAD
Plusieurs solutions existent pour structurer l’occupation des salles. Les tableaux partagés numériques (Google Agenda, Outlook partagé, ou logiciels spécialisés type Ogust, Agathe) permettent à toutes les équipes de visualiser en temps réel les créneaux disponibles.
Pour les établissements moins digitalisés, un planning papier hebdomadaire affiché à l’entrée de chaque salle et au bureau de coordination fonctionne efficacement, à condition d’être mis à jour quotidiennement.
L’important est de définir des règles de réservation claires :
- Délai minimum de réservation (par exemple 24h à l’avance sauf urgence)
- Durée maximale par créneau
- Priorités entre services (animation, kinésithérapie, interventions extérieures)
- Procédure d’annulation avec notification aux autres services
Exemple concret : l’EHPAD Les Érables (76 lits, Normandie)
Cet établissement a mis en place un système de codes couleur sur son planning mural :
- Bleu : activités animation
- Vert : séances thérapeutiques (psychomotricité, ergothérapie)
- Orange : interventions extérieures (musiciens, associations)
- Violet : réunions de familles
- Gris : créneaux disponibles
Chaque service dispose d’un cahier de réservation au bureau de coordination. Le responsable hébergement centralise et reporte sur le planning général chaque lundi pour la semaine suivante.
Résultat : taux d’occupation passé de 55 % à 82 % en six mois, avec une réduction des conflits d’usage de 70 %.
Impliquer tous les acteurs dans la démarche
La réussite du planning partagé repose sur l’adhésion des équipes. Organisez une réunion de lancement associant IDEC, animateur(trice), responsable hébergement, et représentants des aides-soignants.
Présentez les bénéfices :
- Pour les animateurs : vision d’ensemble et anticipation facilitée
- Pour les soignants : connaissance des activités pour mieux orienter les résidents
- Pour les familles : visibilité sur l’offre d’animations
- Pour la direction : indicateurs d’activité fiables
Désignez un référent planning (souvent le responsable hébergement ou l’animateur coordinateur) garant de la mise à jour et de l’arbitrage en cas de conflit.
Action immédiate : Organisez dès cette semaine une réunion pluridisciplinaire d’une heure pour co-construire le système de planification le plus adapté à votre établissement. Testez-le sur un mois avant déploiement complet.
Aménagements modulables : flexibilité et conformité aux normes
Au-delà du planning, l’adaptabilité physique des salles conditionne leur polyvalence. Des espaces modulables permettent d’accueillir des activités variées sans mobiliser plusieurs lieux distincts.
Principes d’aménagement flexible
Un espace modulable repose sur du mobilier léger et mobile : tables pliantes, chaises empilables, paravents sur roulettes. Ces équipements permettent de transformer une salle en 10-15 minutes.
Privilégiez des zones fonctionnelles plutôt qu’une configuration unique :
- Zone calme (lecture, jeux de société)
- Zone créative (arts plastiques, ateliers manuels)
- Zone mouvement (gymnastique douce, danse)
- Zone multimédia (projection, karaoké)
Les rangements muraux et armoires à roulettes facilitent l’accès au matériel tout en libérant l’espace central.
Respect des normes d’accessibilité et de sécurité
Toute optimisation doit intégrer les exigences réglementaires en vigueur. Le Code de la construction et de l’habitation impose des standards stricts pour les ERP (Établissements Recevant du Public).
| Norme | Exigence | Application en salle d’activités |
|---|---|---|
| Accessibilité PMR | Largeur de passage 90 cm minimum | Circulation libre entre espaces modulables |
| Éclairage | 300 lux minimum pour activités fines | Luminaires orientables + éclairage naturel optimisé |
| Acoustique | Traitement anti-réverbération | Panneaux muraux ou plafonds absorbants |
| Sécurité incendie | Dégagements libres, issues signalées | Rangements ne bloquant jamais les sorties |
| Température | 18-22°C pour confort résidents | Réglage indépendant selon usage de la salle |
La circulaire DGCS du 18 avril 2023 rappelle que les espaces d’activités collectives doivent garantir « un accès autonome et sécurisé pour tous les résidents, y compris ceux présentant des troubles cognitifs sévères ».
Cas pratique : réaménagement d’une salle de 40 m²
L’EHPAD Saint-Martin (85 lits, Bretagne) a réaménagé sa salle polyvalente avec un budget de 3 500 €.
Investissements réalisés :
- 10 tables rectangulaires pliantes avec roulettes (600 €)
- 30 chaises empilables légères (750 €)
- 3 armoires mobiles à 4 compartiments (900 €)
- 2 paravents acoustiques modulables (650 €)
- Système d’éclairage LED variable (600 €)
Configuration possible en 15 minutes :
- Atelier peinture (tables en U)
- Gymnastique douce (espace central libre)
- Cinéma (chaises en rangs face à l’écran)
- Repas thématique (tables en îlots)
Le temps de préparation est passé de 45 minutes à 12 minutes en moyenne, libérant du temps pour l’animation elle-même.
Checklist aménagement modulable :
- ☐ Mobilier déplaçable par une personne seule
- ☐ Espaces de rangement accessibles et clairement identifiés
- ☐ Revêtement de sol adapté (antidérapant, roulant facile)
- ☐ Prises électriques réparties sur plusieurs murs
- ☐ Signalétique claire et adaptée aux troubles cognitifs
- ☐ Zones de circulation de 1,20 m minimum pour fauteuils roulants
Action concrète : Demandez à votre équipe technique d’évaluer la faisabilité d’un aménagement modulable sur une salle pilote. Prévoyez une formation pratique de 30 minutes pour les agents sur la réorganisation rapide de l’espace.
Gestion du matériel d’animation : inventaire et rangements fonctionnels
Un matériel bien organisé favorise les initiatives spontanées et réduit les temps de préparation. À l’inverse, un stockage chaotique décourage l’utilisation des ressources disponibles.
Réaliser un inventaire exhaustif et opérationnel
L’inventaire constitue la base de toute gestion efficace. Recensez l’intégralité du matériel d’animation :
- Jeux de société et supports ludiques
- Matériel créatif (peinture, papier, tissus)
- Équipements musicaux et audiovisuels
- Matériel de gymnastique douce
- Supports sensoriels (Snoezelen, matériel Montessori adapté)
Pour chaque catégorie, documentez :
- Désignation précise et quantité
- État (neuf, bon, usagé, à renouveler)
- Lieu de stockage
- Fréquence d’utilisation
- Coût de remplacement
Certains EHPAD utilisent des tableurs partagés mis à jour mensuellement. D’autres optent pour des applications de gestion de stock (Sortly, Asset Panda) accessibles sur smartphone.
Comment organiser les rangements pour un accès optimal ?
Le principe du rangement fonctionnel repose sur trois règles :
1. Proximité d’usage : le matériel fréquent doit être accessible sans effort. Les jeux utilisés toutes les semaines sont en accès direct, le matériel saisonnier en hauteur ou en réserve.
2. Identification visuelle : étiquettes avec pictogrammes, codes couleur, photos. Cette approche facilite le repérage pour tous, y compris pour des agents remplaçants ou des bénévoles.
3. Logique de catégories : regrouper par type d’activité plutôt que par nature d’objet. Exemple : tout le matériel « atelier cuisine » ensemble (tabliers, ustensiles, fiches recettes) plutôt que les ustensiles avec d’autres objets en métal.
| Fréquence d’usage | Type de rangement | Exemples |
|---|---|---|
| Quotidien | Étagères ouvertes à hauteur accessible | Jeux de cartes, puzzles, coloriages |
| Hebdomadaire | Armoires basses fermées | Matériel peinture, instruments musique |
| Mensuel | Armoires hautes ou réserve proche | Décoration thématique, matériel saisonnier |
| Occasionnel | Stockage mutualisé ou réserve centrale | Matériel événements spéciaux |
Qui est responsable de la gestion du matériel ?
La clarification des rôles et responsabilités évite les zones grises. Dans la plupart des établissements :
- L’animateur(trice) assure le suivi des stocks, signale les besoins de renouvellement, et veille au bon état du matériel
- Le responsable hébergement coordonne la logistique générale, budgète les achats, et supervise l’organisation spatiale
- Les aides-soignants participent au rangement après activités partagées et signalent les anomalies
- La direction valide les investissements et garantit les moyens nécessaires
Certains EHPAD désignent un référent matériel (souvent l’animateur principal) qui centralise les demandes et assure l’interface avec les fournisseurs.
Question fréquente : « Comment impliquer les résidents dans le rangement du matériel ? »
Réponse : Proposez des tâches adaptées à chaque niveau d’autonomie. Certains résidents peuvent trier, ranger, étiqueter avec accompagnement. Cette participation valorise leurs capacités et renforce leur sentiment d’utilité. Prévoyez des rangements à hauteur accessible et sécurisés.
Suivi budgétaire et renouvellement
La gestion financière du matériel d’animation s’inscrit dans le budget global de l’établissement. En moyenne, les EHPAD allouent entre 15 et 25 € par résident et par an au matériel d’animation.
Bonnes pratiques budgétaires :
- Établir un plan d’investissement pluriannuel (3 ans) pour lisser les dépenses
- Privilégier le matériel durable et polyvalent
- Mutualiser certains achats avec d’autres établissements (groupements d’achat)
- Valoriser les dons et partenariats associatifs
- Prévoir une enveloppe de 10-15 % pour imprévus et opportunités
Action immédiate : Lancez cet inventaire exhaustif sur deux semaines maximum. Photographiez le contenu des armoires, créez un fichier partagé, et organisez une demi-journée de réorganisation avec l’équipe d’animation et les agents techniques.
Vers une culture de l’optimisation partagée
L’optimisation des salles d’activités ne se décrète pas, elle se construit collectivement. En combinant planning structuré, aménagements flexibles et gestion rigoureuse du matériel, vous transformez ces espaces en véritables leviers de qualité de vie.
Les bénéfices dépassent largement la seule dimension logistique. Les résidents accèdent à une offre d’animations enrichie et variée. Les équipes gagnent en efficacité et en satisfaction professionnelle. L’établissement valorise ses investissements et améliore ses indicateurs d’évaluation.
La démarche nécessite une implication pluridisciplinaire : direction, IDEC, animateurs, responsable hébergement, aides-soignants. Chacun apporte son expertise et ses contraintes. La coordination par un référent dédié garantit la cohérence d’ensemble.
Les outils et méthodes présentés s’adaptent à toutes les tailles d’établissement. Commencez par une salle pilote, testez, ajustez, puis déployez progressivement. L’essentiel est d’ancrer une culture de l’amélioration continue.
Les évolutions réglementaires et les attentes croissantes des familles placent l’animation au cœur du projet d’établissement. Un espace d’activités optimisé devient un argument différenciant dans un secteur concurrentiel.
Dernière recommandation : Planifiez un point d’étape trimestriel associant tous les acteurs. Évaluez les taux d’occupation, recueillez les retours des résidents et des équipes, ajustez l’organisation. Cette boucle d’amélioration garantit la pérennité de la démarche.
FAQ : Optimisation des salles d’activités
Combien de temps faut-il pour voir les premiers résultats d’une optimisation ?
Les premiers effets apparaissent généralement en 4 à 6 semaines après mise en place du planning partagé et réorganisation du matériel. Le taux d’occupation augmente progressivement, avec un palier significatif à 3 mois quand les nouvelles habitudes sont ancrées.
Quel budget prévoir pour rendre une salle modulable ?
Comptez entre 2 500 et 5 000 € pour une salle de 30-50 m², selon le mobilier existant et les aménagements nécessaires. Privilégiez des investissements durables amortis sur 5-7 ans. Des subventions (ARS, Département, fondations) peuvent cofinancer certains projets.
Comment impliquer les familles dans cette dynamique ?
Communiquez régulièrement sur les nouvelles activités proposées (panneau d’affichage, newsletter, application). Invitez les familles à certains ateliers ouverts. Leur retour positif valorise la démarche et renforce l’attractivité de l’établissement.

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