Partenariats EHPAD-hôpitaux : comment éviter 30% d’hospitalisations non programmées ?

Découvrez comment structurer des partenariats EHPAD-hôpitaux pour réduire les hospitalisations évitables et améliorer les parcours de soins des résidents âgés.

Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes se trouvent aujourd’hui à la croisée des chemins entre le secteur médico-social et le sanitaire. Face à la complexité croissante des pathologies des résidents et à la nécessité de limiter les hospitalisations évitables, le développement de partenariats structurés avec les établissements de santé devient un enjeu stratégique majeur. Ces coopérations permettent d’améliorer significativement les parcours de soins, de prévenir les ruptures et d’offrir une prise en charge plus cohérente et rassurante pour les résidents comme pour leurs familles.

Pourquoi structurer les partenariats avec les établissements de santé ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon les données de la Haute Autorité de Santé, près de 30 % des hospitalisations depuis les EHPAD pourraient être évitées grâce à une meilleure coordination en amont. Ces hospitalisations non programmées représentent non seulement un coût important pour l’assurance maladie, mais surtout un facteur de déstabilisation majeur pour les personnes âgées fragiles.

Les ruptures de parcours entraînent confusion, perte de repères et aggravation de l’état de santé. Un résident hospitalisé en urgence pour une infection urinaire mal détectée risque une désorientation, une perte d’autonomie et une dégradation fonctionnelle qui auraient pu être évitées.

Les bénéfices concrets d’un partenariat structuré

Un partenariat formalisé avec un hôpital de proximité ou un centre hospitalier universitaire offre plusieurs avantages directs :

  • Accès facilité aux consultations spécialisées sans délai d’attente excessif
  • Circuits de communication dédiés entre les équipes soignantes
  • Protocoles partagés pour la gestion des situations d’urgence
  • Formations croisées permettant une montée en compétences des professionnels
  • Suivi post-hospitalisation renforcé pour prévenir les réadmissions

Un partenariat bien construit permet de diviser par deux le nombre d’hospitalisations en urgence et d’améliorer la satisfaction des familles de plus de 40 %.

Conseil pratique immédiat : Identifiez dès maintenant les trois situations cliniques les plus fréquentes ayant conduit à des hospitalisations non programmées dans votre EHPAD au cours des six derniers mois. Ces données constitueront la base de discussion pour prioriser les axes de votre futur partenariat.


Le cadre réglementaire des conventions de partenariat sanitaire

La coopération sanitaire entre EHPAD et établissements de santé s’inscrit dans un cadre juridique précis, défini notamment par les articles L. 6134-1 et suivants du Code de la santé publique. Ces dispositions encouragent la mise en place de conventions de partenariat pour garantir la continuité des soins et optimiser l’utilisation des ressources.

Les conventions types disponibles

Plusieurs modèles de convention existent pour structurer ces partenariats :

Type de convention Objectif principal Portée
Convention de coordination Organiser les parcours de soins Définit circuits et référents
Convention d’hospitalisation Faciliter l’accès aux soins aigus Priorise admissions et sorties
Convention de télémédecine Développer consultations à distance Évite déplacements inutiles
Convention de formation Partager compétences Monte en expertise les équipes

La Direction Générale de l’Offre de Soins met à disposition des conventions types téléchargeables qui peuvent servir de base de travail. Ces modèles doivent cependant être adaptés aux spécificités locales et aux besoins réels identifiés par les directeurs et IDEC.

Les points clés à négocier dans une convention

Une convention efficace doit préciser plusieurs éléments structurants :

  1. Les modalités d’admission : circuits prioritaires, délais garantis, conditions d’accès aux urgences
  2. Les référents identifiés : médecin coordonnateur côté EHPAD, praticien hospitalier référent côté établissement de santé
  3. Les protocoles communs : gestion des chutes, infections, décompensations cardiaques ou respiratoires
  4. Les outils de transmission : messagerie sécurisée, dossiers partagés, compte-rendus systématiques
  5. Les indicateurs de suivi : taux d’hospitalisations évitées, délais d’intervention, satisfaction des professionnels

Question fréquente : Qui doit piloter la négociation d’une convention de partenariat ?

Le directeur de l’EHPAD et l’infirmier coordinateur doivent travailler en binôme. Le directeur porte la dimension stratégique et contractuelle, tandis que l’IDEC apporte l’expertise clinique et opérationnelle indispensable pour définir des protocoles pertinents.

Action concrète : Planifiez une première réunion exploratoire avec le directeur des soins ou le responsable du service de gériatrie de votre hôpital partenaire. Préparez un document d’une page présentant vos attentes prioritaires et les trois principaux problèmes rencontrés actuellement.


Construire une filière de soins coordonnée : méthode et outils

Au-delà de la convention formelle, la réussite d’un partenariat repose sur la construction progressive d’une filière de soins véritablement coordonnée. Cette filière doit couvrir l’ensemble du parcours : prévention, soins aigus, réhabilitation et retour en EHPAD.

Les étapes d’élaboration d’une filière coordonnée

Étape 1 : Cartographier les parcours actuels

Analysez précisément le parcours type d’un résident hospitalisé. Quels sont les points de friction ? Où se situent les pertes d’information ? Combien de temps s’écoule entre la décision d’hospitalisation et l’admission effective ?

Étape 2 : Identifier les acteurs clés

Côté EHPAD : médecin coordonnateur, IDEC, infirmières de jour et de nuit, aides-soignantes référentes.

Côté hospitalier : gériatres, urgentistes, cadres de santé, assistants sociaux, équipes de HAD.

Étape 3 : Définir des protocoles par situation

Pour chaque situation fréquente (confusion aiguë, chute avec traumatisme, déshydratation, infection respiratoire), établissez un protocole partagé précisant :

  • Les critères d’alerte
  • Les premières actions à mener en EHPAD
  • Le moment où contacter l’hôpital
  • Les informations à transmettre prioritairement
  • Le circuit d’admission
  • Le suivi post-retour

Étape 4 : Tester et ajuster

Lancez une phase pilote sur trois mois avec un nombre limité de situations. Organisez une réunion de débriefing mensuelle pour identifier les dysfonctionnements et ajuster les protocoles.

Les outils numériques au service de la coordination

Le numérique constitue un levier majeur pour fluidifier les parcours :

  • Messagerie sécurisée de santé (MSSanté) : permet des échanges cryptés et traçables entre professionnels
  • Dossiers médicaux partagés : donnent accès aux informations essentielles sans délai
  • Plateformes de télémédecine : facilitent les téléconsultations et téléexpertises, limitant les déplacements
  • Tableaux de bord partagés : suivent les indicateurs de qualité et d’efficience du partenariat

Un EHPAD de 90 lits en région Auvergne-Rhône-Alpes a réduit de 45 % ses hospitalisations non programmées en un an grâce à la mise en place d’une plateforme de téléconsultation avec le service de gériatrie de l’hôpital local. Les infirmières peuvent obtenir un avis spécialisé en moins de deux heures pour toute situation complexe.

Question fréquente : Comment gérer la télémédecine sans infrastructure technique importante ?

Commencez simplement avec des tablettes ou ordinateurs portables dédiés et une connexion internet stable. Les Agences Régionales de Santé proposent souvent des financements spécifiques pour l’équipement en télémédecine. L’investissement initial est rapidement amorti par la réduction des transports sanitaires et des hospitalisations évitables.

Conseil opérationnel : Nommez un référent coordination au sein de votre équipe infirmière. Cette personne sera l’interlocuteur privilégié de l’établissement de santé partenaire et assurera le suivi des protocoles au quotidien.


Impliquer les familles et respecter l’éthique du partenariat

Les partenariats structurés ne concernent pas uniquement les professionnels. Ils ont un impact direct sur les résidents et leurs familles, qui doivent être associés à la démarche dans le respect des principes éthiques fondamentaux.

L’information des familles : un impératif de transparence

Lorsqu’un partenariat est formalisé avec un établissement de santé, les familles doivent en être informées clairement. Cette information peut être intégrée :

  • Dans le livret d’accueil remis à l’admission
  • Lors des réunions d’information collectives organisées annuellement
  • Dans les projets personnalisés de soins qui précisent les modalités d’orientation en cas de besoin

Les familles apprécient particulièrement de savoir :

  • Vers quel établissement leur proche sera orienté en priorité
  • Quels médecins spécialistes sont facilement accessibles
  • Comment s’organise le retour en EHPAD après hospitalisation
  • Qui seront leurs interlocuteurs privilégiés

La transparence sur les parcours de soins renforce la confiance des familles et diminue l’anxiété liée aux hospitalisations de 35 % selon une étude de la Fondation Médéric Alzheimer.

Les questions éthiques du choix d’hospitalisation

Le partenariat avec un établissement de santé ne doit jamais devenir un automatisme. Chaque situation doit faire l’objet d’une réflexion éthique personnalisée, prenant en compte :

  • Les directives anticipées du résident
  • Les souhaits exprimés par la personne de confiance ou la famille
  • Le projet personnalisé de soins établi en amont
  • Le rapport bénéfice/risque d’une hospitalisation selon l’état de santé global

Dans certains cas, le maintien en EHPAD avec renforcement des soins peut être préférable à une hospitalisation traumatisante pour une personne en fin de vie. Le partenariat doit alors permettre d’obtenir un avis spécialisé à distance pour éclairer la décision collégiale.

Question fréquente : Comment concilier protocoles de partenariat et respect de l’autonomie décisionnelle des résidents ?

Les protocoles définissent des circuits et des modalités pratiques, mais ne se substituent jamais à la décision médicale personnalisée. Le médecin coordonnateur, en lien avec le médecin traitant, conserve toute latitude pour décider, au cas par cas, de l’opportunité d’une hospitalisation. Le partenariat facilite simplement la mise en œuvre de la décision lorsqu’elle est prise.

La continuité relationnelle : un enjeu majeur

L’un des risques majeurs des hospitalisations réside dans la rupture relationnelle qu’elles provoquent. Un partenariat de qualité doit prévoir des mécanismes pour maintenir le lien :

  • Possibilité pour le personnel de l’EHPAD de visiter le résident hospitalisé
  • Transmission systématique d’informations sur les habitudes, préférences et particularités du résident
  • Présence d’un professionnel de l’EHPAD lors du retour pour rassurer et faciliter la réintégration
  • Organisation de réunions de concertation pluridisciplinaire pour les situations complexes incluant la famille

Un établissement parisien a mis en place un « passeport de liaison » de deux pages accompagnant chaque résident hospitalisé. Ce document synthétise histoire de vie, habitudes quotidiennes et particularités comportementales. Les retours des équipes hospitalières sont très positifs : elles se sentent mieux équipées pour personnaliser la prise en charge.

Action immédiate : Créez un document de liaison synthétique (une à deux pages maximum) que vous transmettrez systématiquement lors de chaque hospitalisation. Incluez-y les informations essentielles pour humaniser la prise en charge : prénom utilisé, activités appréciées, repères importants, réactions habituelles face au stress.


Vers une culture partenariale durable et efficiente

Les partenariats entre EHPAD et établissements de santé ne se décrètent pas. Ils se construisent dans la durée, par l’instauration d’une véritable culture de coopération entre professionnels de cultures différentes mais partageant un objectif commun : le bien-être et la qualité de vie des personnes âgées.

Les facteurs de réussite d’un partenariat durable

L’expérience de terrain montre que plusieurs éléments sont déterminants pour la pérennité d’un partenariat :

La réciprocité des bénéfices : Le partenariat doit apporter une valeur ajoutée aux deux parties. Par exemple, l’EHPAD peut proposer d’accueillir des étudiants en médecine ou en soins infirmiers de l’hôpital partenaire pour des stages en gériatrie.

La régularité des échanges : Prévoyez des réunions de suivi trimestrielles réunissant directeur, IDEC côté EHPAD et responsables médicaux et administratifs côté hospitalier. Ces moments permettent d’ajuster les protocoles et de résoudre rapidement les difficultés émergentes.

La mesure des impacts : Définissez dès le départ des indicateurs quantitatifs et qualitatifs pour objectiver les bénéfices du partenariat :

Indicateur Objectif cible Fréquence de mesure
Taux d’hospitalisations non programmées Réduction de 20 % en un an Mensuelle
Délai moyen d’accès à une consultation spécialisée Inférieur à 15 jours Trimestrielle
Satisfaction des familles (enquête) Score supérieur à 8/10 Annuelle
Nombre de téléexpertises réalisées Minimum 1 par semaine Mensuelle
Taux de compte-rendus d’hospitalisation reçus sous 48h Supérieur à 90 % Mensuelle

Les écueils à éviter

Certaines erreurs compromettent fréquemment la réussite des partenariats :

  • La sur-complexification : une convention trop détaillée et rigide devient inapplicable au quotidien
  • L’absence de portage politique : sans implication forte des directions, le partenariat reste lettre morte
  • Le manque de communication interne : les équipes de terrain doivent s’approprier les nouveaux circuits
  • L’isolement de quelques référents : le partenariat doit impliquer l’ensemble des professionnels concernés
  • L’absence d’évaluation : sans mesure régulière, impossible d’identifier les axes d’amélioration

Question fréquente : Comment mobiliser des équipes déjà surchargées autour d’un nouveau projet de partenariat ?

Présentez le partenariat non comme une charge supplémentaire, mais comme un outil de facilitation du travail quotidien. Organisez des temps d’échange courts (15 minutes en réunion d’équipe) pour recueillir les difficultés vécues actuellement et montrer comment le partenariat y répond concrètement. Valorisez rapidement les premiers résultats positifs pour renforcer l’adhésion.

L’inscription dans les dynamiques territoriales

Les partenariats EHPAD-hôpital s’inscrivent dans des dynamiques territoriales plus larges portées par les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) et les Dispositifs d’Appui à la Coordination (DAC). Ces structures territoriales facilitent la mise en réseau des acteurs et peuvent apporter un soutien méthodologique et logistique précieux.

N’hésitez pas à solliciter :

  • Votre délégation territoriale de l’ARS pour connaître les financements disponibles
  • Les réseaux gérontologiques locaux qui ont souvent une expertise en matière de coordination
  • Les plateformes territoriales d’appui qui peuvent faciliter les parcours complexes
  • Les fédérations professionnelles (SYNERPA, FEHAP, FHF) qui partagent régulièrement des retours d’expérience

Un réseau d’EHPAD dans les Hauts-de-France a mutualisé ses négociations avec le centre hospitalier de référence. Cette démarche collective a permis d’obtenir des conditions plus favorables et de partager les coûts de formation des professionnels.

Conseil final : Intégrez le développement des partenariats sanitaires dans votre projet d’établissement et dans votre programme d’actions de qualité et de sécurité des soins. Cette inscription stratégique garantit la continuité de la démarche au-delà des changements d’équipes et renforce la légitimité du projet.


FAQ : Questions pratiques sur les partenariats sanitaires

Combien de temps faut-il pour mettre en place une convention de partenariat opérationnelle ?

Comptez entre six et douze mois pour un partenariat complet. Les trois premiers mois servent au diagnostic partagé et à la négociation. Les trois à six mois suivants permettent la formalisation juridique et la mise en place des outils. Les derniers mois sont consacrés au déploiement progressif et aux ajustements.

Faut-il obligatoirement signer une convention formelle ou peut-on travailler de manière informelle ?

Une convention formalisée est fortement recommandée. Elle sécurise juridiquement les deux parties, clarifie les engagements réciproques et facilite l’implication durable des équipes. Un partenariat informel reste fragile et dépendant des personnes en place.

Comment gérer la situation si notre EHPAD est éloigné de tout établissement hospitalier ?

Dans ce cas, privilégiez le développement de la télémédecine qui peut compenser partiellement l’éloignement géographique. Renforcez également les liens avec les médecins généralistes du territoire et les services d’HAD. Sollicitez votre ARS pour étudier les solutions adaptées aux zones sous-denses en offre de soins.

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