Lecornu menace-t-il vraiment vos primes Ségur ?

Sébastien Lecornu, nommé Premier ministre en septembre 2025, n’a pas annoncé la suppression des primes Ségur, dont l’extension concerne 112 000 bénéficiaires. Le défi reste le financement durable de ces mesures face aux crises budgétaires des EHPAD.

Nommé Premier ministre le 9 septembre 2025 après la chute de François Bayrou, Sébastien Lecornu n’a formulé aucune déclaration officielle concernant une suppression des primes Ségur. Cette information, qui circule dans certains milieux professionnels, ne trouve aucune confirmation dans les sources officielles. Au contraire, les derniers développements confirment la pérennisation et l’extension récente de ces revalorisations, acquises après quatre années de mobilisation syndicale intensive et représentant un investissement de 600 millions d’euros supplémentaires pour l’État en 2024.

L’extension des primes Ségur aux « oubliés » du dispositif, officialisée par l’arrêté du 5 août 2024, constitue même l’une des dernières victoires sociales du secteur médico-social. Cette mesure concerne 112 000 nouveaux bénéficiaires et porte à près de 700 000 le nombre total de professionnels concernés par cette revalorisation historique de 183 euros nets mensuels. Dans un contexte où 66% des EHPAD publics et privés non lucratifs affichent des déficits, la question n’est pas celle d’une hypothétique suppression, mais bien celle du financement durable de ces acquis sociaux essentiels.

Un nouveau Premier ministre face aux défis du secteur médico-social

Sébastien Lecornu, 39 ans, accède à Matignon dans un contexte d’instabilité gouvernementale inédite. Ancien ministre des Armées depuis mai 2022, il n’avait jusqu’alors formulé aucune position publique sur les questions médico-sociales, ce secteur ne relevant pas de ses compétences ministérielles antérieures. Sa nomination fait suite à l’échec du vote de confiance de François Bayrou sur le budget 2026, rejeté par 364 voix contre 194 le 8 septembre 2025.

Ses premières déclarations officielles, formulées lors de son déplacement inaugural à Mâcon le 13 septembre, portent sur le développement de l’offre de soins de proximité avec l’annonce de 5 000 maisons « France Santé » d’ici 2027. « Je ne vois pas comment on peut attendre l’élection présidentielle de 2027 pour régler ce sujet de la santé », a-t-il affirmé, inscrivant ce projet dans les lois de finances et PLFSS 2026. Cette approche suggère une continuité dans le soutien public au secteur de la santé plutôt qu’une remise en cause des acquis existants.

Les consultations syndicales menées à Matignon les 15 et 16 septembre 2025 ont confirmé cette orientation. Le nouveau Premier ministre a promis des « ruptures » avec les politiques précédentes, notamment l’abandon de la suppression de deux jours fériés envisagée par son prédécesseur, et a annoncé la suppression des avantages à vie des ex-ministres dès janvier 2026. Ces gestes symboliques témoignent d’une volonté d’apaisement social plutôt que d’austérité supplémentaire.

Ecoutez notre podcast : Lecornu, Primes Ségur et Crise Budgétaire EHPAD

Cet article daté de septembre 2025, provenant d’une ressource spécialisée dans le secteur médico-social, examine la situation entourant la nomination de Sébastien Lecornu comme Premier ministre et son impact présumé sur les primes Ségur. L’analyse indique qu’il n’existe aucune déclaration officielle menaçant la suppression de ces primes, qui ont récemment été étendues à 112 000 nouveaux bénéficiaires après quatre années de mobilisation syndicale. Cependant, le texte met en lumière la crise budgétaire majeure des EHPAD, avec 66% des établissements déficitaires, soulevant la question cruciale du financement durable de ces revalorisations salariales massives. En conclusion, les acquis sociaux sont considérés comme consolidés par des textes réglementaires, mais le gouvernement doit trouver des solutions structurelles pour réinventer le modèle économique du secteur face aux coûts croissants et à la pénurie de personnel.

Les primes Ségur : un acquis récent et pérennisé

L’extension des primes Ségur, obtenue par l’accord de branche du 4 juin 2024 et officialisée par l’arrêté du 5 août 2024, représente l’aboutissement de quatre années de mobilisation syndicale. Cette victoire concerne l’ensemble des salariés du secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2024 pour les structures adhérentes aux organisations signataires.

Les montants actuels s’établissent précisément à 183 euros nets par mois pour les salariés du secteur privé non lucratif, soit 238 euros bruts, représentant un coût employeur chargé de 447 euros mensuels par équivalent temps plein. Dans la fonction publique, cette revalorisation prend la forme d’un Complément de Traitement Indiciaire (CTI) de 49 points d’indice majoré, équivalent à 241,21 euros bruts mensuels au 1er juillet 2024.

Cette harmonisation met fin aux disparités historiques qui excluaient de nombreux professionnels du dispositif initial. Les secteurs désormais couverts incluent les centres de santé, les CIDFF, les associations d’aide alimentaire, les points conseil budget, les dispositifs d’appui à la coordination, et les instituts de formation non adossés à un établissement de santé. Seuls les EHPAD privés commerciaux restent à l’écart, percevant un montant historique de 160 euros nets mensuels, une situation dénoncée par le SYNERPA qui y voit une « exclusion incompréhensible ».

Un investissement public massif pour le secteur

L’extension des primes Ségur mobilise des ressources publiques considérables. Les 600 millions d’euros débloqués en 2024 s’ajoutent aux 4 milliards d’euros déjà investis pour l’ensemble des revalorisations salariales dans le secteur social et médico-social depuis 2020. Cette enveloppe s’inscrit dans un investissement global de 8,2 milliards d’euros annuels pour revaloriser les métiers des établissements de santé et des EHPAD.

Le financement de ces mesures suit une répartition complexe impliquant l’État, la Sécurité sociale et les collectivités territoriales. La branche Autonomie de la CNSA a contribué à hauteur de 300 millions d’euros dès juillet 2024, tandis que les départements assument un coût supplémentaire de 170 millions d’euros en 2024, porté à 190 millions en 2025. Cette répartition soulève des tensions importantes avec les collectivités territoriales, Départements de France ayant immédiatement contesté cette extension en dénonçant l’absence de compensation financière de l’État.

La pérennisation du dispositif s’appuie sur des textes réglementaires solides. L’arrêté du 5 août 2024, publié au Journal Officiel du 6 août, rend ces accords opposables aux financeurs (ARS, DREETS, départements), garantissant ainsi leur mise en œuvre effective. La transformation progressive des primes en compléments de traitement indiciaire pour la fonction publique, avec prise en compte dans le calcul des retraites et effet rétroactif au 1er avril 2022, témoigne d’une volonté de consolidation durable de ces acquis.

EHPAD en crise : quand la revalorisation rencontre la réalité budgétaire

Paradoxalement, l’extension des primes Ségur intervient dans un contexte de crise budgétaire majeure pour les EHPAD. 66% des établissements publics et privés non lucratifs étaient déficitaires en 2022, contre 49,3% l’année précédente. Cette dégradation s’est accélérée en 2023 avec 85% des EHPAD publics en situation déficitaire selon l’enquête de la Fédération Hospitalière de France.

Le déficit moyen par place atteint désormais 3 850 euros en 2023, soit une hausse de 19% par rapport à 2022. Cette situation génère un déficit cumulé estimé à plus de 1,3 milliard d’euros sur la période 2022-2023, menaçant la viabilité économique de nombreux établissements. L’inflation de 5,2% en 2022 a directement impacté les charges de fonctionnement, qui ont progressé de 6,8% cette même année, tandis que les charges de personnel extérieur bondissaient de 21,6%.

Face à ces difficultés, le recours à l’intérim a doublé entre 2017 et 2022, dépassant désormais 1 milliard d’euros annuels pour l’ensemble du secteur. Jean-Pierre Riso, président de la Fnadepa, témoigne de cette réalité de terrain : « Nous avons des adhérents qui ont été obligés d’arrêter le versement de la prime, c’est inacceptable. » Le différentiel médian entre les besoins réels de financement et la dotation Ségur s’établit à 25 652 euros par an et par établissement.

Des effectifs sous tension malgré les revalorisations

Les 7 450 EHPAD français emploient 448 700 personnes (391 600 ETP), soit un taux d’encadrement global de 63 ETP pour 100 résidents. Cet indicateur, bien qu’en progression, reste inférieur à l’objectif gouvernemental de 73 ETP pour 100 résidents d’ici 2030. Le personnel soignant représente 51,6% des effectifs ETP, les aides-soignants constituant à eux seuls 36% des effectifs totaux.

La crise du recrutement demeure préoccupante avec 5% des postes non pourvus fin 2021 dans le secteur de l’autonomie. Plus grave encore, un tiers des EHPAD sont contraints de fermer des lits par manque de personnel, compromettant directement l’accès aux soins pour les personnes âgées dépendantes. Les projections démographiques indiquent qu’il faudra pourvoir plus de 210 000 emplois d’aides-soignants d’ici 2030 pour répondre aux besoins croissants.

Cette pénurie structurelle explique en partie le recours massif à l’intérim. Selon l’enquête Fnadepa 2023, 28,3% des directeurs d’EHPAD ont recours quotidiennement aux personnels intérimaires, 31% au moins une fois par semaine. Cette situation dégrade la qualité de prise en charge, comme le souligne la Ffidec : « Les intérimaires ne font que passer et sont à un niveau d’engagement minimal. »

Réactions syndicales : vigilance mais pas d’alarmisme

Les organisations syndicales restent mobilisées pour défendre les acquis du Ségur, mais leurs communiqués ne font état d’aucune menace concrète de suppression de la part du nouveau gouvernement. La CGT ADDSEA s’inquiète d’une « petite phrase » de Lecornu prononcée à Mâcon sur les « problèmes de finances publiques », mais cette citation, rapportée de manière indirecte, n’a pu être vérifiée dans les transcripts officiels.

La mobilisation du 18 septembre 2025, organisée par plusieurs centrales syndicales, porte davantage sur les difficultés de financement des extensions récentes que sur une hypothétique suppression. L’ultimatum donné à Lecornu jusqu’au 24 septembre concerne principalement l’abandon du projet de budget Bayrou et la garantie du financement des mesures déjà acquises.

La CFDT, signataire des accords d’extension, maintient une position constructive. Benjamin Vitel estime l’accord de juin 2024 « plus souple que la version initiale en matière de calendrier ». Force Ouvrière revendique la paternité de l’extension : « Nous les avons eu à l’usure. À chaque proposition du patronat, nous exigions l’extension du Ségur comme condition sine qua non », explique Franck Houlgatte de l’UNSFO.

Enjeux budgétaires et perspectives d’avenir

L’équation financière des primes Ségur révèle les tensions structurelles du secteur. Avec un coût employeur de 5 364 euros annuels par ETP pour la prime de 183 euros nets mensuels, l’impact sur les budgets d’établissements est considérable. Pour un EHPAD de 80 résidents employant 52 ETP, la charge annuelle supplémentaire avoisine 280 000 euros, soit près de 3 500 euros par place.

Cette charge intervient dans un contexte où les établissements peinent déjà à équilibrer leurs comptes. La baisse du taux d’occupation, passé de 96,2% en 2017-2018 à 92,9% en 2022, génère un manque à gagner de 327,4 millions d’euros identifié par la CNSA. Cette sous-occupation, liée aux difficultés de recrutement et aux normes d’encadrement renforcées, crée un cercle vicieux : moins de recettes pour financer des charges salariales croissantes.

Les départements, financeurs à hauteur de 30% des primes Ségur, alertent sur leur capacité financière limitée. Départements de France dénonce une perte de 8 milliards d’euros de ressources entre 2021 et 2024, principalement due à l’effondrement des droits de mutation à titre onéreux (-20% sur 7 mois en 2024). Cette situation fragilise le financement pérenne des revalorisations, d’autant qu’un tiers des départements seront en difficulté prévisionnelle en 2025.

Un modèle économique à réinventer

Les experts convergent sur la nécessité d’une réforme structurelle du financement des EHPAD, au-delà des seules revalorisations salariales. La Cour des Comptes, dans son rapport 2024, préconise une reconnaissance de la spécialisation gériatrique pour les infirmiers et un renforcement de l’attractivité des métiers. Elle souligne que « les taux d’encadrement demeurent encore insuffisants » malgré les augmentations d’effectifs récentes.

Le rapport sénatorial de septembre 2024 sur la situation des EHPAD recommande un dépassement du système de tripartition actuel (soins/hébergement/dépendance) et la construction d’un nouveau modèle économique. Cette réforme structurelle s’impose d’autant plus que le vieillissement démographique va intensifier les besoins : la France comptera 4 millions de personnes de plus de 85 ans en 2050, contre 1,5 million aujourd’hui.

L’aide gouvernementale de 650 millions d’euros débloquée en 2024, dont 190 millions pour le secteur public, constitue une réponse d’urgence mais ne résout pas les problèmes structurels. L’augmentation de 5% des dotations pour le secteur public et de 3% pour le privé non lucratif, bien qu’appréciable, reste inférieure au rythme d’évolution des charges.

Perspectives gouvernementales : continuité plutôt que rupture

Les premiers signaux envoyés par Sébastien Lecornu privilégient la continuité des investissements publics dans le secteur de la santé. L’inscription du réseau « France Santé » dans le PLFSS 2026, avec l’objectif de créer 5 000 maisons de santé de proximité d’ici 2027, témoigne d’une ambition maintenue pour l’offre de soins.

Cette orientation s’inscrit dans la logique des investissements du Ségur de la santé, qui visent à moderniser et renforcer le système de soins français. Le nouveau Premier ministre a d’ailleurs souligné l’urgence de ces enjeux : « On doit avoir une offre de soins de proximité par bassin de vie a minima, et donc globalement quelque chose autour de 30 minutes de chez vous. »

Les consultations en cours avec les partenaires sociaux portent sur l’adaptation des mesures budgétaires plutôt que sur leur remise en cause. La suppression annoncée des avantages à vie des ex-ministres, mesure symbolique d’économie, illustre une recherche d’exemplarité qui contrasterait avec une éventuelle remise en cause des acquis sociaux des personnels soignants.

Conclusion : des acquis à consolider, pas à remettre en cause

L’analyse factuelle des déclarations et orientations de Sébastien Lecornu ne révèle aucun projet de suppression des primes Ségur. Cette information, qui semble circuler dans certains milieux professionnels, relève davantage de la rumeur que de la réalité politique. Au contraire, l’extension récente du dispositif à 112 000 nouveaux bénéficiaires et les 600 millions d’euros supplémentaires investis en 2024 témoignent d’une consolidation des acquis sociaux du secteur.

Le défi pour le nouveau gouvernement réside dans la pérennisation du financement de ces mesures face aux contraintes budgétaires croissantes. Avec 66% des EHPAD déficitaires et un secteur sous tension, l’enjeu n’est pas de supprimer les primes Ségur, mais bien de construire un modèle économique durable qui permette de financer à la fois ces revalorisations et le renforcement nécessaire des effectifs.

Les professionnels du secteur médico-social peuvent donc aborder cette période de transition gouvernementale avec une vigilance justifiée mais sans alarmisme excessif. Les acquis du Ségur, fruit de quatre années de mobilisation, bénéficient d’un ancrage réglementaire solide et d’un soutien politique maintenu. L’enjeu des prochains mois sera de garantir leur financement effectif dans un contexte budgétaire contraint, plutôt que de défendre leur existence même.

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