Inspections des ARS dans les EHPAD : moins de contrôles mais des sanctions plus sévères et systématiques

La mission d’inspection-contrôle des Agences Régionales de Santé (ARS) connaît actuellement une profonde transformation. Longtemps reléguée au second plan, cette fonction essentielle revient au cœur des priorités suite aux scandales de maltraitance révélés en 2022. Face à un constat alarmant – un EHPAD contrôlé seulement tous les 20 à 30 ans en moyenne – le…

La mission d’inspection-contrôle des Agences Régionales de Santé (ARS) connaît actuellement une profonde transformation. Longtemps reléguée au second plan, cette fonction essentielle revient au cœur des priorités suite aux scandales de maltraitance révélés en 2022. Face à un constat alarmant – un EHPAD contrôlé seulement tous les 20 à 30 ans en moyenne – le gouvernement a lancé un plan sans précédent. Ce changement de paradigme soulève néanmoins d’importantes questions sur les moyens déployés, les méthodes utilisées et l’équilibre à trouver entre exhaustivité et efficacité des contrôles.

Une mission fondamentale mais délaissée

Depuis leur création en 2010, les ARS disposent de pouvoirs d’inspection-contrôle étendus. Ces prérogatives concernent notamment la vérification du respect des règles d’hygiène, de sécurité et de qualité des prises en charge dans les établissements de santé.

Pour les EHPAD, ces contrôles revêtent une importance capitale. En effet, ils visent à garantir le bien-être des résidents souvent vulnérables. Pourtant, la réalité du terrain montre un décalage inquiétant.

Selon la Cour des comptes, un EHPAD n’était inspecté en moyenne que tous les 20 à 30 ans. Cette fréquence extrêmement faible témoigne d’un abandon progressif de cette mission. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène.

D’abord, les effectifs dédiés se sont réduits au fil des années. En 2022, seulement 230 équivalents temps plein sur près de 7 900 au total dans les ARS étaient consacrés aux inspections-contrôles.

Ensuite, les ARS ont privilégié d’autres modes d’action. La logique partenariale et collaborative avec les établissements a pris le dessus sur l’approche plus coercitive du contrôle.

Par ailleurs, les ARS disposent d’une large autonomie dans ce domaine. Elles peuvent décider ou non de déclencher une inspection face à une situation donnée. Cette liberté a parfois conduit à minimiser l’importance des contrôles.

Le scandale Orpea : un électrochoc salutaire

La révélation en 2022 de graves cas de maltraitance dans certains établissements du groupe Orpea a provoqué une onde de choc. Face à l’indignation générale, le ministère de la Santé a ordonné le contrôle de l’ensemble des 7 500 EHPAD français avant 2024.

Cette décision marque un tournant majeur à plusieurs égards. D’abord, elle réaffirme l’importance de la mission d’inspection-contrôle trop longtemps négligée. Elle traduit également une volonté politique forte de garantir la sécurité des personnes âgées dépendantes.

Pour mener à bien ce plan ambitieux, 120 équivalents temps plein supplémentaires ont été créés. Cette augmentation significative des moyens humains vise à inverser la tendance à la baisse observée ces dernières années.

Les résultats sont déjà visibles. En 2023, le nombre d’inspections-contrôles a presque doublé, passant de 2 598 en 2022 à 4 951. Cette progression spectaculaire témoigne d’une mobilisation sans précédent des ARS.

Toutefois, cette hausse cache une réalité plus nuancée. La grande majorité de ces contrôles ont été réalisés uniquement sur pièces, sans visite sur place. Cette approche allégée permettait de tenir les délais imposés, mais limite la portée des vérifications.

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Des méthodes de contrôle à réinventer

Face à l’ampleur de la tâche, les ARS ont dû adapter leurs méthodes. Le contrôle sur pièces est devenu la norme plutôt que l’exception. Cette procédure consiste à examiner les documents fournis par l’établissement sans se rendre sur place.

Cette approche présente des avantages évidents en termes d’efficacité. Elle permet de traiter un volume important de dossiers avec des ressources limitées. Cependant, elle comporte aussi des limites majeures.

Sans visite in situ, les inspecteurs ne peuvent constater directement les conditions de vie des résidents. Ils n’ont pas non plus l’occasion d’échanger avec le personnel ou d’observer le fonctionnement quotidien de l’établissement.

Par conséquent, les inspections traditionnelles avec déplacement des inspecteurs ont diminué. En 2022, leur nombre était inférieur à celui de 2018, malgré un léger redressement en 2023.

Cette évolution pose question quant à l’efficacité réelle des contrôles. La Cour des comptes souligne l’absence d’une « surveillance minimale standardisée » des EHPAD, malgré les efforts récents.

Vers une approche plus ciblée et approfondie

Face à ces constats, la Cour des comptes préconise une nouvelle approche. Plutôt que de viser l’exhaustivité à tout prix, elle recommande une méthode plus sélective et approfondie.

L’idée serait de concentrer les ressources sur les établissements présentant les risques les plus élevés. Cette priorisation reposerait sur une analyse rigoureuse des facteurs de risque, comme les signalements antérieurs ou les indicateurs de qualité défaillants.

Les inspections, moins nombreuses mais plus poussées, permettraient d’évaluer plus précisément la qualité de la prise en charge des résidents. Elles auraient également une valeur exemplaire plus forte.

Cette approche qualitative compenserait la moindre probabilité pour un établissement d’être contrôlé. En contrepartie, les sanctions en cas de manquement seraient plus sévères et systématiques.

Le ministère semble s’orienter dans cette direction. Une nouvelle orientation nationale d’inspection-contrôle (ONIC) est en préparation. Elle prévoit d’étendre les contrôles aux établissements accueillant des personnes handicapées dans les années à venir.

Des défis persistants à relever

Malgré ces avancées, plusieurs défis restent à relever pour garantir l’efficacité du dispositif d’inspection-contrôle.

D’abord, la question des moyens humains demeure centrale. Même avec les 120 postes supplémentaires, les effectifs restent modestes au regard de l’ampleur de la mission et du nombre d’établissements à contrôler.

Ensuite, la formation des inspecteurs constitue un enjeu majeur. Les contrôles exigent des compétences techniques et juridiques pointues, ainsi qu’une bonne connaissance du secteur médico-social.

Par ailleurs, l’articulation entre les différentes formes de contrôle mérite d’être clarifiée. Comment combiner efficacement contrôles sur pièces et visites sur place ? Comment intégrer les évaluations externes et les certifications dans le dispositif global ?

Enfin, la question de la transparence des résultats se pose avec acuité. La publication des rapports d’inspection pourrait renforcer l’effet dissuasif des contrôles et mieux informer les usagers et leurs familles.

Une nécessaire évolution culturelle

Au-delà des aspects techniques et organisationnels, c’est une véritable évolution culturelle qui se dessine au sein des ARS. Longtemps centrées sur l’accompagnement et le partenariat, elles doivent aujourd’hui réaffirmer leur rôle de contrôle.

Ce changement de posture n’est pas simple. Il suppose de trouver un équilibre délicat entre bienveillance et fermeté, entre soutien aux établissements et protection des usagers.

Les directeurs d’EHPAD doivent également s’adapter à ce nouveau contexte. Les contrôles plus fréquents et plus rigoureux exigent une vigilance accrue sur le respect des normes et la qualité des prestations.

Cette évolution représente une opportunité pour améliorer globalement la qualité des prises en charge. En identifiant les dysfonctionnements et en partageant les bonnes pratiques, les inspections peuvent contribuer à l’amélioration continue des établissements.

Le renforcement des contrôles répond aussi à une attente forte de la société. Les scandales récents ont mis en lumière la nécessité d’une plus grande vigilance collective sur les conditions d’accueil des personnes âgées dépendantes.

La mission d’inspection-contrôle des ARS se trouve ainsi à un tournant décisif. Sa réaffirmation et sa rénovation constituent un enjeu majeur pour garantir la dignité et la sécurité des personnes âgées en EHPAD.