800 000 tonnes de déchets par an et seulement 20 % recyclés : l’urgence d’une gestion responsable dans les ehpad

La gestion des déchets représente un enjeu stratégique pour le secteur médico-social. Avec des défis à la fois financiers et environnementaux, les établissements médico-sociaux doivent jongler entre le respect des réglementations, les contraintes budgétaires et la nécessité de réduire leur impact environnemental. Selon les chiffres récents, le coût moyen de gestion des déchets atteint 130…

La gestion des déchets représente un enjeu stratégique pour le secteur médico-social. Avec des défis à la fois financiers et environnementaux, les établissements médico-sociaux doivent jongler entre le respect des réglementations, les contraintes budgétaires et la nécessité de réduire leur impact environnemental. Selon les chiffres récents, le coût moyen de gestion des déchets atteint 130 € par lit et par an, et un Ehpad génère en moyenne 765 kg de déchets par lit sur une année. Malgré les progrès réalisés, des difficultés persistent : faible taux de recyclage, tri insuffisant des déchets ou encore coûts croissants liés aux processus de traitement. Quels sont les types de déchets concernés ? Quelles solutions peuvent être mises en œuvre pour répondre à cet enjeu global ?

La production de déchets dans les établissements médico-sociaux

Les établissements médico-sociaux se retrouvent confrontés à des volumes de déchets impressionnants chaque année. À titre d’exemple, un Ehpad moyen produit près de 800 kg de déchets annuels par lit, toutes catégories confondues. Cela comprend les déchets ménagers générés par la vie quotidienne des résidents, mais également les Déchets d’Activités de Soins à Risques Infectieux (DASRI) et d’autres déchets spécifiques comme les restes de médicaments ou produits chimiques. Au total, cette accumulation atteint des centaines de milliers de tonnes à l’échelle nationale.

Les volumes importants s’accompagnent d’un coût significatif. Le baromètre annuel de Take a waste évalue à 130 € par lit et par an le coût total de gestion des déchets. Ce budget inclut le tri, la collecte, le stockage, le transport et le traitement final. Avec près de 10 500 Ehpad en France et environ 600 000 lits recensés, cela représente une dépense cumulée de 78 millions d’euros par an pour ce seul secteur.

Ces chiffres ne prennent toutefois pas en compte les détails spécifiques à certains flux de déchets particulièrement complexes, tels que les DASRI. Ces déchets, contenant des substances biologiques ou infectieuses, nécessitent un traitement particulier, parfois beaucoup plus coûteux que les déchets ménagers classiques. Les établissements doivent donc investir non seulement dans des solutions adaptées mais également dans la formation des équipes pour limiter les gaspillages et améliorer le tri.

Les différentes catégories de déchets et leurs enjeux

Dans les établissements médico-sociaux, les types de déchets à gérer sont nombreux et variés. Ils peuvent être classés en plusieurs grandes catégories, chacune ayant ses propres contraintes et défis :

  • Déchets ménagers et assimilés : Restes de repas, emballages, déchets de papier, générés par les activités quotidiennes des résidents et du personnel. Bien qu’ils soient généralement recyclables ou valorisables, leur tri reste largement insuffisant.
  • DASRI (Déchets d’Activités de Soins à Risques Infectieux) : Produits des soins (aiguilles, pansements souillés, seringues). Ce type de déchets représente environ 10 % du volume total, mais nécessite un traitement spécialisé, souvent via incinération, pour éviter tout risque de contamination.
  • Déchets issus de médicaments (DIMED) : Comprenant les restes de traitements ou médicaments périmés. Leur gestion doit répondre à des protocoles stricts pour limiter leur impact environnemental et leur éventuelle réintroduction dans des circuits non contrôlés.
  • Déchets chimiques et toxiques : Détergents, désinfectants, solvants ou résidus de médicaments radioactifs utilisés pour certains diagnostics. Ces déchets nécessitent un traitement spécifique souvent coûteux, limitant parfois les marges budgétaires des établissements.

Pour les établissements médico-sociaux, la bonne gestion de chacun de ces flux est un enjeu critique. Elle est indispensable pour garantir la sécurité des résidents et du personnel, tout en évitant des sanctions légales ou réglementaires. Les obligations incluent également la priorisation des actions visant à limiter l’enfouissement ou l’incinération brute. Selon la hiérarchie imposée par la réglementation européenne, les établissements doivent privilégier, dans cet ordre : la prévention, la réutilisation, le recyclage, la valorisation énergétique, puis l’élimination.

Les défis rencontrés dans la gestion des déchets

Malgré les outils réglementaires et les efforts croissants pour réduire le volume des déchets, de nombreux obstacles subsistent dans le secteur médico-social.

L’un des principaux défis est le faible taux de recyclage observé dans le secteur. Selon une étude récente publiée par Hospimedia, à peine 20 % des déchets médico-sociaux sont recyclés en France. Ce pourcentage reste bien en deçà des performances attendues par les objectifs nationaux de valorisation des déchets. Par comparaison, le secteur tertiaire classique atteint près de 50 % de recyclage pour les déchets similaires (bureautiques, cartons, plastiques).

Une autre difficulté réside dans la qualité hétérogène du tri au sein des établissements. Notamment pour les DASRI, les erreurs persistent, comme l’évacuation de déchets non infectieux via les filières coûteuses des déchets à risque infectieux. De telles pratiques augmentent inutilement les coûts et compliquent le traitement aval. Pire encore, le tri insuffisant peut engendrer des risques graves pour les travailleurs des filières de gestion, exposés à des objets tranchants ou à des substances chimiques mal triées.

Le coût global de gestion constitue également un frein majeur à l’amélioration des pratiques. Avec la hausse des tarifs du traitement des déchets — notamment une augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en 2024, qui touche les collectivités et les entreprises de gestion —, les institutions doivent absorber des charges de plus en plus lourdes.

Enfin, la réglementation évolutive impose aux établissements des contraintes complexes à mettre en œuvre. Entre la gestion des données de traçabilité des DASRI, les obligations de répartition par centre et de reporting sur les volumes, ou encore l’intégration des nouvelles directives européennes, les professionnels doivent constamment s’adapter. Cette surcharge administrative peut réduire leur capacité à se concentrer sur la sensibilisation ou les solutions innovantes.

Solutions pour une gestion responsable et durable

Pour relever ces défis tout en limitant les impacts financiers et environnementaux, plusieurs pistes de solutions peuvent être explorées par les établissements médico-sociaux.

Une optimisation du tri à la source représente une étape essentielle. En responsabilisant les personnels soignants, techniques et administratifs, les établissements peuvent réduire les erreurs de tri et améliorer leur performance globale. Une meilleure séparation des flux permettra d’orienter les déchets recyclables ou valorisables vers des filières adaptées, réduisant ainsi la dépendance aux traitements coûteux.

La formation des employés constitue également un levier indispensable. Des modules spécifiques sur les types de déchets, le tri ou encore les risques associés aux DASRI permettent d’éviter les mauvaises pratiques et de pérenniser les améliorations. Les campagnes d’information pour les résidents, leurs familles ou les visiteurs jouent également un rôle clé pour introduire une culture de la réduction des déchets.

Les technologies innovantes commencent aussi à transformer le secteur. Par exemple, des solutions locales de valorisation thermique des DASRI permettent de produire de l’énergie directement au sein des établissements. Ces installations, bien que coûteuses à mettre en place, peuvent générer des économies à long terme tout en limitant la pollution liée aux déplacements des déchets traités.

Enfin, les démarches de mutualisation pourraient s’avérer particulièrement efficaces. En regroupant leurs ressources, plusieurs établissements peuvent réduire leurs coûts globaux, notamment pour le transport ou la contractualisation avec des prestataires de gestion de déchets. Ces initiatives sont déjà expérimentées dans certaines zones rurales ou périurbaines avec des résultats prometteurs.