Les chutes représentent la première cause d’accident en EHPAD. Avec des conséquences souvent graves pour les résidents, elles mobilisent les équipes, impactent la qualité de vie et engagent la responsabilité des établissements. Pourtant, la plupart de ces incidents peuvent être évités grâce à des actions simples et structurées. Cet article vous présente 5 techniques concrètes à déployer dès maintenant pour réduire significativement le risque de chute au quotidien.
Sommaire
Pourquoi la prévention des chutes est un enjeu majeur en EHPAD
Chaque année, près d’un résident sur deux chute en établissement. Au-delà des fractures, ces accidents entraînent une perte de confiance, un syndrome post-chute et une dégradation rapide de l’autonomie. Pour les équipes, ils génèrent stress, charge de travail supplémentaire et parfois un sentiment d’impuissance.
La réglementation impose une politique de prévention des risques, notamment via le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et les bonnes pratiques HAS. Mais au-delà de la conformité, c’est une question de soin, de sécurité et de maintien de la qualité de vie des résidents.
Agir efficacement sur les chutes nécessite une approche globale : repérer les facteurs de risque, adapter l’environnement, former les équipes, impliquer les résidents et assurer un suivi rigoureux. C’est exactement ce que permettent les 5 techniques présentées ici.
Les 5 techniques pour prévenir les chutes en EHPAD au quotidien
Vous allez découvrir cinq leviers d’action complémentaires, applicables immédiatement dans votre établissement. Chacun répond à une dimension spécifique du risque de chute et peut être déployé progressivement, selon vos moyens et vos priorités. Ces techniques ont fait leurs preuves sur le terrain et s’intègrent naturellement dans l’organisation quotidienne des soins.
1. Réaliser une évaluation personnalisée du risque de chute pour chaque résident
Tous les résidents ne présentent pas le même niveau de risque. Certains cumulent plusieurs facteurs : troubles de l’équilibre, polymédication, troubles cognitifs, antécédents de chute. D’autres sont plus autonomes mais peuvent basculer rapidement après une infection ou un changement de traitement.
Mise en œuvre concrète :
Utilisez des outils validés comme l’échelle de Morse, le test Timed Up and Go, ou une grille d’évaluation multifactorielle intégrant les données médicales, environnementales et comportementales. L’IDEC ou l’infirmier référent peut coordonner cette évaluation dès l’admission, puis la réévaluer tous les trois mois ou après chaque événement indésirable.
Exemple terrain :
Dans un EHPAD en Bretagne, l’équipe a mis en place un code couleur visible dans le dossier informatique : vert pour risque faible, orange pour risque modéré, rouge pour risque élevé. Cela permet aux aides-soignants de nuit d’adapter immédiatement leur vigilance sans consulter l’intégralité du dossier.
Astuce : Associez systématiquement cette évaluation à une transmission écrite et orale lors des relèves. Le risque de chute doit être un point d’attention quotidien, pas une ligne dans un dossier.
2. Adapter l’environnement physique aux besoins spécifiques des résidents
Un sol glissant, un mauvais éclairage, des obstacles dans les couloirs : autant de facteurs aggravants que vous pouvez maîtriser. L’environnement doit être pensé pour compenser les fragilités des résidents, pas les accentuer.
Actions prioritaires :
– Vérifier l’état des sols (revêtements antidérapants, absence de seuils).
– Installer des barres d’appui dans les chambres, sanitaires et couloirs.
– Améliorer l’éclairage, notamment la nuit (veilleuses, détecteurs de mouvement).
– Retirer les tapis non fixés, les fils électriques au sol, les meubles instables.
– Équiper les lits de barrières adaptées, sans pour autant créer une contention injustifiée.
Exemple terrain :
Un EHPAD du Sud-Ouest a remplacé les interrupteurs classiques par des détecteurs de présence dans les toilettes communes. Résultat : les résidents ne cherchent plus l’interrupteur dans le noir, et le nombre de chutes nocturnes a baissé de 30 % en six mois.
Conseil pratique : Organisez une « marche exploratoire » mensuelle avec une aide-soignante, un agent d’entretien et un membre de la direction pour repérer les points noirs et agir vite.
3. Former et sensibiliser l’ensemble des équipes aux gestes de prévention
Même les professionnels expérimentés peuvent adopter des réflexes inadaptés : laisser un résident seul debout le temps de chercher un fauteuil, ne pas vérifier le bon chaussage, oublier de remonter les barrières de lit. La formation continue est essentielle.
Ce qu’il faut inclure dans la formation :
– Reconnaissance des signes d’alerte (vertiges, faiblesse, désorientation).
– Techniques de relevé en toute sécurité.
– Communication bienveillante pour encourager le résident à demander de l’aide.
– Utilisation des aides techniques (déambulateur, verticalisateur, ceinture de marche).
– Posture professionnelle face à un refus d’aide ou un comportement à risque.
Exemple terrain :
Un EHPAD en Île-de-France a instauré des « ateliers 15 minutes » chaque semaine : un thème pratique (ex : aider un résident à se relever du sol), une mise en situation, un échange. Ces ateliers courts, en début de service, permettent de maintenir les compétences sans mobiliser une demi-journée.
Bon à savoir : Impliquez aussi les agents d’entretien, les cuisiniers et les bénévoles : tout le monde peut repérer un danger ou accompagner un déplacement.
4. Mettre en place un programme d’activités physiques adaptées
La sédentarité est un facteur de risque majeur. Plus un résident reste inactif, plus il perd sa force musculaire, son équilibre et sa confiance en lui. L’activité physique adaptée (APA) permet de maintenir ou retrouver ces capacités.
Ce que vous pouvez proposer :
– Ateliers équilibre et renforcement musculaire animés par un ergothérapeute ou un éducateur APA.
– Marche quotidienne encadrée, même sur de courtes distances.
– Exercices assis-debout, mobilisation des membres inférieurs.
– Activités ludiques : tai-chi, gym douce, danse assise.
Exemple terrain :
Un EHPAD en région Auvergne-Rhône-Alpes a intégré un parcours de motricité dans le jardin : traverses au sol, petits obstacles, barres parallèles. Les résidents l’utilisent accompagnés, deux fois par semaine. En un an, on observe une amélioration de la marche et une diminution de 25 % des chutes graves.
Conseil : Associez les familles à ces activités lors des visites. Cela renforce l’adhésion du résident et valorise l’engagement de l’établissement.
5. Assurer un suivi médical régulier et une réévaluation des traitements
Certains médicaments (psychotropes, hypotenseurs, diurétiques) augmentent le risque de chute. Une polymédication mal ajustée, une déshydratation, une carence en vitamine D : autant de leviers médicaux souvent sous-estimés.
Actions à coordonner avec le médecin coordonnateur :
– Révision régulière des ordonnances (conciliation médicamenteuse).
– Surveillance de la tension artérielle, notamment orthostatique.
– Supplémentation en vitamine D et calcium si besoin.
– Dépistage des troubles visuels et auditifs (orientation vers un spécialiste).
– Suivi de l’hydratation et de l’état nutritionnel.
Exemple terrain :
Dans un EHPAD du Grand-Est, le médecin coordonnateur a instauré une « consultation chute » trimestrielle pour les résidents à risque. Lors de cette consultation dédiée, il passe en revue tous les facteurs médicaux, ajuste les traitements et propose des solutions personnalisées (cannes, semelles, lunettes adaptées).
Point de vigilance : Ne négligez pas les chutes « sans gravité apparente ». Elles sont souvent le signe d’une fragilité à prendre en charge avant l’accident grave.
Une astuce bonus pour aller plus loin
Au-delà de ces cinq techniques, impliquez activement les résidents et leurs familles dans la démarche de prévention. Organisez des ateliers d’information, expliquez les risques sans inquiéter, valorisez les comportements sécuritaires. Un résident informé et acteur de sa sécurité est un résident qui ose demander de l’aide.
Pensez également à suivre vos indicateurs : nombre de chutes, circonstances, gravité, actions correctives. Un tableau de bord simple, partagé en réunion mensuelle, permet d’ajuster la stratégie et de célébrer les progrès avec les équipes.
Passez à l’action dès cette semaine
Vous disposez maintenant de cinq leviers concrets pour réduire le risque de chute dans votre établissement. Inutile de tout déployer en même temps : choisissez une technique prioritaire, testez-la sur une unité pilote, ajustez, puis généralisez. L’essentiel est de démarrer.
Commencez par exemple par l’évaluation personnalisée du risque si elle n’est pas systématique, ou par une marche exploratoire si l’environnement n’a pas été audité récemment. Mobilisez vos équipes, valorisez leurs idées, et mesurez les résultats. Chaque chute évitée est une victoire collective. Alors, quelle sera votre première action cette semaine ?

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