L’orage gronde dans le monde médical. Les médecins généralistes sont en colère. Leur courroux est dirigé contre l’Assurance maladie qui a lancé une campagne de contrôles contre ceux soupçonnés de délivrer trop d’arrêts de travail. Une initiative qui fait grincer des dents.
Le syndicat des médecins généralistes de France a publié un communiqué le 15 juin dernier. Il y dénonce cette campagne de contrôles. Les médecins se sentent pris pour des “boucs émissaires”. Ils estiment que l’augmentation des arrêts de travail est due à des facteurs sociétaux, et non à une mauvaise pratique de leur part.
La campagne de contrôle en question vise à surveiller le taux d’indemnités journalières délivré par chaque médecin. L’Assurance maladie a mis en place un travail statistique pour identifier ceux qui prescrivent 5 à 10 fois plus que la moyenne nationale. Les professionnels de santé concernés risquent une procédure de “mise sous objectifs”. Ils doivent alors baisser leur taux d’arrêts de travail et motiver ceux qu’ils prescrivent, sous peine de sanctions financières pouvant aller jusqu’à 9 000 euros.
Selon le syndicat, un millier de “forts prescripteurs” est ciblé. Mais ce n’est pas tout. 5 000 médecins généralistes seront convoqués à des entretiens confraternels et 15 000 recevront au moins une visite de délégués de l’Assurance maladie pour les avertir d’une pratique excessive. Cela représente un tiers des praticiens, une proportion qui suscite l’indignation des représentants.
L’augmentation des arrêts de travail est un fait. L’Assurance maladie a constaté une évolution de 7,4 % en 2022, de 6,6 % en moyenne depuis 2019 (hors Covid), alors qu’elle s’élevait à 4,4 % entre 2015 et 2019. Le syndicat des médecins reconnaît cette augmentation, mais l’attribue à l’évolution de la société, au vieillissement des salariés et aux pressions sur l’augmentation de la productivité et des cadences.
Les médecins ne sont pas les coupables, selon le syndicat. Ils seraient plutôt les victimes d’un “management toxique” de la part de l’Assurance maladie. Le syndicat estime que les changements de pratiques des médecins ne sont pas une des causes directes de la recrudescence des arrêts de travail pour maladie.
La tension est palpable. Les médecins généralistes se sentent pris en otage dans une situation qui dépasse leur contrôle. Ils demandent à être entendus et respectés dans leur profession. La tempête est loin d’être terminée, et le dialogue semble être la seule issue pour apaiser les tensions.
Le contrôle des arrêts de travail par la CPAM : une perspective élargie
L’année 2016 a vu la CPAM verser près de 10 milliards d’euros au titre des indemnités journalières, soit une augmentation de 4,2% par rapport à l’année précédente. Face à cette hausse, l’Assurance Maladie a mis en place des mesures de contrôle et de sensibilisation pour les assurés et les médecins.
Pour les assurés, l’Assurance Maladie contrôle le délai d’envoi des avis et prolongations d’arrêts de travail, les arrêts itératifs et les arrêts de travail de plus de 45 jours. En cas de non-respect des règles, des sanctions peuvent être appliquées, allant de la réduction de 50% des indemnités journalières à un refus total d’indemnisation. En 2016, la CPAM des Pyrénées Orientales a adressé 1 054 courriers de sensibilisation aux assurés.
Pour les médecins, l’Assurance Maladie propose des actions de sensibilisation sur la justification médicale de l’arrêt de travail, l’adéquation entre l’état de santé du patient et la durée de l’arrêt, et les formalités à respecter. Des référentiels d’aide à la décision, validés par la Haute Autorité en Santé (HAS), sont également mis à disposition. Ces référentiels donnent une durée indicative de l’arrêt de travail en fonction de la pathologie et du contexte professionnel du patient.
En outre, l’Assurance Maladie peut mettre en place des mesures de contrôle pour les médecins prescripteurs excessifs d’arrêts de travail. Ces mesures peuvent prendre la forme d’une mise sous accord préalable, où le médecin doit solliciter l’accord préalable du médecin-conseil pour chaque arrêt de travail prescrit, ou d’une mise sous objectif, où un objectif de diminution des prescriptions d’arrêt de travail est notifié au médecin.
Pour les employeurs, l’Assurance Maladie offre la possibilité de signaler un doute sur la justification de l’arrêt de travail d’un salarié. En 2016, le service médical des Pyrénées Orientales a contrôlé 43 personnes en arrêt de travail suite aux signalements des employeurs.
Ces mesures de contrôle et de sensibilisation, bien que nécessaires, ont suscité des réactions mitigées de la part des médecins généralistes, qui se sentent sous pression et craignent une dégradation de la relation médecin-patient. Il est donc essentiel de trouver un équilibre entre le contrôle des arrêts de travail et le respect de la déontologie médicale.