Dans le paysage des EHPAD français, une révolution est en marche. Les établissements Annie Girardot à Paris et Harmonie à Boissy-Saint-Léger ont été les premiers à obtenir un label spécifique. Ce dernier atteste de leur engagement à offrir un environnement accueillant et respectueux pour les seniors se reconnaissant dans la communauté LGBTQIA+. Cette certification est le fruit d’un travail de longue haleine mené par l’association Grey Pride, qui a œuvré pendant une année entière pour sensibiliser et former le personnel de ces établissements.
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EHPAD LGBT : Une démarche inédite en France
Aimé, un résident de 75 ans de l’EHPAD Annie Girardot, témoigne de l’impact de cette initiative sur sa perception des choses. Élevé dans un contexte où les genres étaient strictement séparés, il a vu son regard évoluer grâce à la sensibilisation menée par Grey Pride. Aujourd’hui, il se dit prêt à échanger sans préjugés avec une aide-soignante lesbienne.
Cette démarche est inédite en France. Francis Carrier, co-fondateur de Grey Pride, rappelle que les seniors LGBT sont présents partout, mais que jusqu’à présent, aucune formation spécifique ni accueil adapté n’étaient proposés dans les EHPAD. Il estime à 800 000 le nombre de seniors LGBT en France, et affirme que l’approche de Grey Pride vise à répondre aux besoins de ces milliers de personnes.
D’autres EHPAD de la Ville de Paris ont déjà prévu de suivre le mouvement dans les années à venir. L’association est également en discussion avec une dizaine d’autres établissements à travers la France pour l’obtention de nouveaux labels.
Pour opérer ce changement de mentalité, Grey Pride mise sur la formation du personnel des EHPAD. Les référents de l’EHPAD Annie Girardot ont ainsi bénéficié de quatre jours de formation en avril 2022, tandis que le reste du personnel a suivi deux jours de formation. L’association intervient également auprès des résidents à travers diverses activités de sensibilisation, comme la projection de documentaires ou l’organisation de jeux.
L’objectif est de transformer les EHPAD en lieux chaleureux et inclusifs. Ainsi, à l’EHPAD Annie Girardot, une sortie au restaurant a été organisée, où des volontaires masculins étaient invités à se maquiller pour “se mettre dans la peau d’une personne transgenre”. À Boissy-Saint-Léger, des débats ont été organisés autour d’artistes comme Jean Cocteau et Jean Marais, qui ont formé un couple pendant de nombreuses années.
Ces ateliers et animations ont eu un impact significatif sur les résidents, selon les référentes. Ils ont également influencé le personnel, qui a acquis de nouvelles connaissances. Une aide-soignante, qui avait auparavant confisqué des revues coquines trouvées dans la chambre d’un résident, “ne le fera plus à présent”.
Le travail de Grey Pride est également un travail sur la sexualité. L’association veut faire comprendre qu’on peut avoir des amours et des pulsions même quand on atteintle grand âge. “Quand on ampute les gens de leur sexualité, on les met dans la case objet de soin, or nous avons des aspirations et des désirs”, affirme Francis Carrier. Cette démarche est partagée par la Ville de Paris, qui souhaite que les histoires d’amours en EHPAD puissent se vivre librement.
Cependant, tous les EHPAD ne sont pas encore prêts à s’engager dans cette démarche. Sylvain Guyot, le président de Grey Pride, estime qu’il sera plus difficile d’aller chercher ceux qui ne se sont pas manifestés, justement parce que les directions de ces établissements sont les plus réticentes. Il aimerait rendre cette formation obligatoire à tous les établissements. Pour l’instant, il n’a reçu aucun retour du ministère.
La question de l’inclusion et de la bienveillance envers les seniors LGBT en EHPAD est donc loin d’être résolue. Mais les initiatives de Grey Pride et des EHPAD labellisés sont des pas importants dans la bonne direction. Elles montrent qu’il est possible de créer des environnements respectueux et bienveillants pour tous les seniors, quels que soient leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.
Lyon, pionnière de l’accueil des seniors LGBT : une maison de retraite dédiée ouvrira en 2024
Dans le paysage des EHPAD en France, Lyon se distingue par une initiative inédite. La ville a voté à l’unanimité en septembre dernier pour la construction d’une maison de retraite dédiée aux seniors LGBT+ dans le 4e arrondissement. Ce projet, porté par l’association Les Audacieuses et les Audacieux, est une première en France et devrait voir le jour en décembre 2024.
La “maison de la diversité”, comme elle a été nommée, a pour vocation d’offrir un hébergement aux seniors se sentant en difficulté en raison de leur orientation sexuelle. L’objectif est de créer des espaces bienveillants où les résidents peuvent vieillir sans crainte d’être jugés ou discriminés, et sans avoir à refaire un coming out.
Stéphane Sauvé, le délégué général de l’association, souligne que les seniors LGBT+ représentent un million de personnes en France, dont 65% vivent seuls. Il déplore que ce sujet soit resté un angle mort des politiques publiques. Selon lui, les seniors LGBT+ se rendent encore trop souvent invisibles, par crainte des jugements ou des actes homophobes, malgré l’évolution positive du droit et des mentalités.
Le projet a été soutenu activement par toutes les composantes de la majorité municipale lyonnaise (écologiste et gauche unie). Grégory Doucet, maire de Lyon (Europe Ecologie-Les Verts, EELV), a déclaré lors de la présentation du projet à la presse que cette démarche pionnière pourrait peut-être faire bouger les mentalités.
La maison de retraite sera gérée par l’association Les Audacieuses et les Audacieux et construite par la Croix-Rouge. Après avoir essuyé des refus dans d’autres villes, l’association a trouvé une oreille attentive à Lyon, en la personne d’Alexandre Chevalier, adjoint au maire de Lyon, délégué au lien intergénérationnel et à la qualité de vie des aînés.
Alexandre Chevalier, éducateur sexologue de profession et ancien militant de l’Association de lutte contre le sida, a souligné l’importance de penser aux populations jusqu’à présent ignorées dans la prise en charge du grand âge. Il a salué le projet comme un choix de l’optimisme et d’une société de l’entraide.
Cette initiative lyonnaise marque une étape importante dans la prise en compte des besoins spécifiques des seniors LGBT+ en France. Elle montre que des solutions existent pour offrir à ces seniors un environnement respectueux et bienveillant où ils peuvent vieillir en toute sérénité.
L’initiative britannique : une maison de retraite LGBT à Londres
L’année 2021 a marqué une avancée significative dans le Royaume-Uni avec l’ouverture de la première maison de retraite pour la communauté LGBT. Cette réalisation, soutenue par la ville de Londres, est le fruit d’un prêt immobilier de 5,7 millions de livres sterling du fonds de logements social (Community Housing Funds). L’établissement, situé dans le quartier de Vauxhall au sud de la Tamise, a été conçu par l’architecte britannique Norman Foster.
La “maison de la diversité”, comme elle est surnommée, se compose de 19 logements d’une ou deux chambres. Elle offre des services haut de gamme, notamment un espace restaurant-bar, un rooftop, un jardin suspendu et un accès à des soins sur place 24h/24 et 7j/7. L’association à but non lucratif Tonic Housing, qui supervise le projet, se réjouit de cette réalisation : “Tonic@Bankhous va créer une offre d’habitat unique qui célèbre l’identité LGBT+ et place la communauté au centre de la maison.”
Le maire de Londres, Sadiq Khan, a salué cette initiative en déclarant : “Londres est une ville ouverte, diverse, inclusive et je suis ravi de voir ces projets aboutir avec l’aide de ce prêt […] Les séniors méritent de profiter de ces années dans le confort et la sécurité.”
Cette initiative britannique répond à un besoin réel. Stéphane Sauvé, ancien directeur d’EHPAD et porteur d’un projet similaire en France, souligne que la communauté LGBT est souvent confrontée à des discriminations et à des problèmes de santé spécifiques. De plus, la majorité de cette communauté n’a pas d’enfants, ce qui pose la question de l’accompagnement en fin de vie.
Cette maison de retraite britannique n’est pas une exception. Des initiatives similaires existent au Canada, en Espagne, aux États-Unis et en Australie. En France, plusieurs villes, dont Nice, Lyon, Montreuil, Romainville et Paris, ont également manifesté leur intérêt pour de tels projets.
Cette tendance internationale témoigne d’une prise de conscience croissante de la nécessité de créer des environnements respectueux et inclusifs pour les seniors LGBT. Elle montre que des solutions existent pour répondre aux besoins spécifiques de cette population et pour leur permettre de vieillir dans la dignité et le respect.
L’impact psychologique de l’isolement sur les seniors LGBT : une réalité souvent ignorée
La solitude des personnes âgées est un phénomène bien connu en France, mais elle touche de manière particulière les seniors LGBT+. En effet, ces derniers sont particulièrement vulnérables au risque d’isolement en vieillissant. Que ce soit à cause des discriminations ou des ruptures familiales, il est compliqué de vieillir en étant LGBT+.
L’isolement expose les personnes âgées à des conséquences allant d’un risque accru de maltraitance et d’abus de confiance à une mauvaise santé physique et psychologique. «Le désir de vivre va de pair avec la qualité de vie que l’on a. Moins on a de qualité de vie, moins on a de désirs. On n’attend qu’une chose, c’est d’en finir. En vieillissant, on a besoin des autres, et s’ils ne sont pas là, ou s’ils ne vous accordent que le minimum, c’est-à-dire manger, dormir et se soigner, eh bien progressivement, on se laisse mourir», explique Francis Carrier, fondateur et président de Grey Pride.
Les personnes LGBT+ sont généralement moins bien entourées. Parce que leurs unions n’avaient aucune reconnaissance jusqu’à la loi sur le pacs en 1998, et parce que leurs proches n’acceptent pas toujours leur identité, beaucoup ne peuvent pas ou peu compter sur le soutien d’une famille. De plus, la pauvreté, qui double le risque d’isolement social, concerne beaucoup de personnes LGBT+.
L’invisibilité à laquelle sont renvoyées les personnes LGBT+ lorsqu’elles vieillissent est une autre cause indirecte de l’isolement. Cette invisibilité a des conséquences néfastes sur l’estime de soi des seniors LGBT : «On considère les vieux dans notre société comme des objets de soin, et on leur enlève toute une part de leur identité, comme leurs besoins affectifs, leur sexualité et leur histoire. On est face à un tabou social qui empêche d’imaginer que ce sont des choses qui font partie de nous jusqu’à notre mort.» Une mauvaise estime de soi est également un facteur d’isolement, car elle va pousser au repli.
Malgré ces difficultés, il y a un point positif : la résilience des personnes et de la communauté LGBT+. «Paradoxalement, une méta-analyse anglophone tend à montrer que les LGBT ont plus d’atouts en ce qui concerne le vieillissement, en raison d’un vécu qui n’a pas forcément été facile. Il y a un bagage d’expérience qui peut aider à faire face à des situations complexes : une instabilité du foyer, la nécessité de reconstruire une vie, de créer de nouvelles sociabilités avec des personnes qui vous comprennent…» explique le sociologue Régis Schlagdenhauffen.
Ces constats soulignent l’importance de créer des environnements respectueux et inclusifs pour les seniors LGBT. Ils montrent que des solutions existent pour répondre aux besoins spécifiques de cette population et pour leur permettre de vieillir dans la dignité et le respect.
