Dans l’ombre de nos foyers, un problème sociétal majeur se profile : la maltraitance des personnes âgées. En Dordogne, cette réalité est particulièrement préoccupante. En effet, 71% des actes de maltraitance envers les personnes âgées sont commis à domicile, selon l’association Cassiopea.
En 2022, 68 signalements de maltraitance sur des personnes âgées ont été enregistrés dans le département. Ces chiffres, révélés lors de la journée mondiale de lutte contre la maltraitance des personnes âgées, mettent en lumière une réalité souvent tue : la maltraitance n’est pas l’apanage des établissements spécialisés, elle a aussi lieu dans les domiciles.
Clémence Lepri, coordinatrice de Cassiopea, souligne l’importance de cette prise de conscience. “La maltraitance a aussi lieu dans les domiciles”, insiste-t-elle. Et les auteurs de ces actes ne sont pas toujours ceux que l’on imagine. En effet, “elles sont du fait essentiellement de la famille pour une situation sur deux”.
La maltraitance à domicile prend diverses formes. Les maltraitances psychologiques sont les plus courantes, mais on retrouve également des situations de maltraitance financière, de privation de droits, de citoyenneté. “C’est le fait de prendre des décisions pour la personne à sa place. L’abus d’autorité aussi”, explique Clémence Lepri. Les maltraitances physiques existent également, bien que moins visibles. Elles se manifestent plus souvent par des brutalités que par des coups.
Les chiffres montrent que 42% de ces maltraitances à domicile sont causées par des membres de la famille. Pourquoi une telle situation ? “Une des raisons qui revient régulièrement, c’est l’épuisement. Le manque de moyens, le manque de répit pour les proches aidants qui s’occupent régulièrement, parfois qui cohabitent toute la journée avec leurs proches”, analyse la coordinatrice de l’association Cassiopea.
Pour lutter contre ce fléau, l’association Cassiopea a mis en place le service d’écoute Allo maltraitance ALMA 24. Un numéro de téléphone pour signaler des maltraitances sur des personnes âgées ou en situation de handicap. Il est joignable les lundi et jeudi de 14h à 17h. Par ailleurs, le numéro national, le 3977, est joignable 7/7 en journée.
La maltraitance des personnes âgées est un problème complexe qui nécessite une prise de conscience collective. Il est impératif de mettre en place des mesures de soutien pour les aidants, de sensibiliser le grand public et de renforcer les dispositifs de signalement. Seul un effort commun permettra de mettre fin à ce fléau silencieux.
La maltraitance des aînés : un enjeu sociétal urgent à adresser
La maltraitance des personnes âgées est un sujet qui demeure largement invisibilisé dans notre société. Pourtant, comme le souligne le sociologue Serge Guérin, “la maltraitance commence précisément avec sa banalisation”. Cette réalité, souvent reléguée au second plan, mérite une attention particulière, d’autant plus que la population vieillit rapidement. En effet, “le nombre de 85 ans et plus va doubler à la fin de la décennie”, rappelle le sociologue.

La maltraitance des personnes âgées revêt plusieurs formes. L’isolement est l’une des plus courantes. En 2021, l’association Les Petits Frères des pauvres révélait qu’un demi-million de nos aînés n’étaient jamais ou quasiment jamais en contact avec d’autres personnes. “Or, nous sommes des animaux sociaux jusqu’à la fin de notre vie et c’est une forme de maltraitance que de priver cette catégorie de la population de contact”, souligne Serge Guérin.
D’autres formes de maltraitance existent, comme l’exploitation financière, les violences physiques et psychologiques. “Laisser comprendre à un aïeul qu’il prend de la place, du temps ou ‘revient cher’… Rappelons-le, car c’est un impensé : les plus de 75 ans commettent, en France, 20 % des suicides. C’est colossal au vu de leur représentation dans la population totale – moins de 10 %”, alerte le sociologue.
Pourquoi parle-t-on si peu de ces questions ? Selon Serge Guérin, c’est parce que la vieillesse n’est pas considérée comme un sujet d’avenir dans l’imaginaire collectif. Pourtant, “les personnes âgées sont bien notre avenir, et au sens propre du terme !”. Il est donc urgent de repenser notre fonctionnement actuel, d’accompagner les aidants, de réformer les Ehpad et les services publics divers.
Malheureusement, la “loi grand âge”, maintes fois repoussée, laisse à penser que le sujet n’est toujours pas une priorité. Cependant, il y a des raisons d’être optimiste. “Cette explosion démographique va, par la force des choses, nous obliger à considérer le sujet”, estime Serge Guérin. De plus, les personnes âgées de demain, probablement plus conscientes de leurs droits, se montreront plus revendicatives. Il est donc dans notre intérêt à tous de prendre ce sujet à bras le corps, car nous serons tous, a priori, un jour ces aînés…